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Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre

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« Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient tous morts depuis longtemps ».

 

 

Pierre Lemaitre… pour tout vous dire je l’ai « découvert » grâce à un ami de Babélio… aimant les thrillers, et il en a apparemment écrit des très bons, je les ai là, sous le coude, dans mes livres à lire… je n’ai pas encore eu le temps de m’y plonger, mais je vais le faire. Et puis, la rentrée littéraire, explosion médiatique pour le dernier livre de Pierre Lemaitre, « Au revoir là haut » qui dixit les critiques, change de registre avec brio et écrit sur un sujet peu répandu, la toute fin de la Grande Guerre, le retour des Poilus et ce qu’ils deviennent, ce que fait la France avec tous ces « héros »… bien embarrassée la France.

Pour être honnête, je ne suis pas fan des livres, voire des films, sur les guerres… les 2 grandes guerres mondiales… Mais j’ai vu, entendu Pierre Lemaitre, et j’avoue que ma curiosité a été éveillée… et j’ai voulu le lire.

Voilà c’est fait et je ne suis pas déçue.

Tout d’abord, on démarre l’intrigue quelques jours avant l’armistice, en novembre 1918. On est plongé dans une tranchée, avec ces fameux Poilus. Vraiment je mets une majuscule car chapeau bas, messieurs… c’est effarant, un crève-cœur. C’est bon et éducatif d’être confronté à ce genre de réalité. En plus, c’est vraiment très bien écrit, l’écriture de Pierre Lemaitre est fluide et il est super bien documenté. On fait connaissance avec les 3 personnages principaux… qui se suivront, se croiseront tout au long du livre.

Tout d’abord le soldat Albert Maillard, un peu trouillard, mais pas tant que ça, qui a un bon fond, mais qui n’a jamais vraiment eu de chance. Après Edouard Perricourt, jeune soldat, de riche famille, excentrique, plein de fougue, de vie… un peu, beaucoup décalé de la réalité, avec une souffrance au fond de lui, la non reconnaissance de son père. Et enfin, le Capitaine Pradelle, une pourriture complète, un homme puant, l’incarnation de tout ce que je déteste, le mal… et je ne voudrais pas dévoiler l’intrigue, mais d’emblée, son personnage odieux est campé.

Par un jeu de circonstance qui sera en partie le nœud de l’intrigue, tous 3 s’en sortent.

Et on va les suivre dans leur retour à la vie civile.

Edouard est une véritable gueule cassée comme on dit.

Le Capitaine Pradelle, se fait passer pour un héros de guerre, et va assouvir son ambition et sa passion du pouvoir, au détriment de toute morale.

Quant à Albert Maillard, pauvre bougre, il va prendre en charge Edouard, à qui il doit la vie… et tenter de survivre.

Mais la France veut oublier la guerre, et ne veut se souvenir que des héros, ceux qui sont morts. Les survivants sont gênants, encombrants. Et ils sont vraiment très mal traités.

Je ne pensais pas à ce point.

2 grandes arnaques vont être mises en place par ces survivants, pour des raisons différentes.

D’après les notes de fin de livre de Pierre Lemaitre, une est véridique, celle du trafic des cercueils et des cadavres de Poilus.

Celle des faux monuments aux morts, est sortie de l’imagination de l’auteur.

Ces 2 arnaques sont immorales, c’est évident.

Mais j’ai une tendresse particulière pour Edouard et Albert, alors je ne les excuse pas, mais je peux les comprendre…

J’ai beaucoup aimé aussi le personnage du père d’Edouard, son évolution… il m’a touché.

Ce livre est vraiment très bien écrit et on suit avec plaisir Pierre Lemaitre et tous ses personnages.

Un seul bémol, comme souvent dans les livres, la fin un peu trop rapide à mon goût.

Bien sur, il faut bien finir l’histoire… c’est toujours un peu douloureux… mais bon, un peu vite faite, je trouve.

Je conseille vivement la lecture de Au revoir là haut… peut être dans quelques jours, sera-t-il primé par le Goncourt….

Quant à moi, je vais m’attaquer très vite à ses autres romans, des thrillers… je devrais aimer !

 

 

« Le pays tout entier était saisi d’une fureur commémorative en faveur des morts, proportionnelle à sa répulsion vis-à-vis des survivants ».

 

 

Résumé éditeur :

Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts…

Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, « Au revoir là-haut » est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’Etat qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.

Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un talent et une maîtrise impressionnants.

 

 

« Morieux fronce les sourcils. Il n’aime pas les morts suspectes. A la guerre, on veut des morts franches, héroïques et définitives, c’est pour cette raison que les blessés, on les supporte, mais qu’au fond, on ne les aime pas ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

 

http://www.babelio.com/livres/Lemaitre-Au-revoir-la-haut/498518

 

 

« Et le dos de son père ! Ce large et terrible dos qui lui avait semblé gigantesque jusqu’à ce qu’il soit aussi grand que lui, qu’il finisse par le dépasser, ce dos qui, à lui seul, savait si bien exprimer l’indifférence, le dédain, le dégoût ».

 

 

« Il agrippe la tête de cheval, parvient à saisir les grasses babines dont la chair se dérobe sous ses doigts, il attrape les grandes dents jaunes et, dans un effort surhumain, écarte la bouche qui exhale un souffle putride qu’Albert respire à pleins poumons. Il gagne ainsi quelques secondes de survie, son estomac se révulse, il vomit, son corps tout entier est de nouveau secoué de tremblements, mais tente de se retourner sur lui-même à la recherche d’une once d’oxygène, c’est sans espoir ».

 

 

« Mourir le dernier, se disait Albert, c’est comme mourir le premier, rien de plus con ».

 

 

« Sauf que ce Pradelle est un homme vraiment inquiétant, personne ne peut l’encadrer. Il confirme l’adage selon lequel le véritable danger pour le militaire, ce n’est pas l’ennemi, mais la hiérarchie ».

 

 

« Voilà comment ça finit, une guerre, mon pauvre Eugène, un immense dortoir de types épuisés qu’on n’est même pas foutu de renvoyer chez eux proprement. Personne pour vous dire un mot ou seulement vous serrer la main. Les journaux nous avaient promis des arcs de triomphe, on nous entasse dans des salles ouvertes aux quatre vents. L’« affectueux merci de la France reconnaissante » (j’ai lu ça dans Le Matin, je te jure, mot pour mot) s’est transformé en tracasseries permanentes, on nous mégote 52 francs de pécule, on nous pleure les vêtements, la soupe et le café. On nous traite de voleurs ».

 

 

« Il ne leur prêta pas plus de crédit qu’à la propagande du début qui soutenait, par exemple, que les balles boches étaient tellement molles qu’elles s’écrasaient comme des poires blettes sur les uniformes, faisant hurler de rire les régiments français. En quatre ans, Albert en avait vu un paquet, des types morts de rire en recevant une balle allemande ».

 

 

« Le gardien du cimetière avait perdu le bras droit. En le croisant, M. Péricourt pensa : Moi, je suis un invalide du cœur ».

 

 

« A la Banque d’escompte et de crédit industriel, pour savoir qui dépouiller, Albert disposait d’un large choix. Il avait opté pour la plus ancienne et la plus sur des méthodes bancaires : la tête du client. M. de Housseray avait une très belle tête de client. Avec son haut-de-forme, ses cartes de visites en relief et sa canne à pommeau en or, il vous exhalait un délicieux parfum de profiteur de guerre. Albert, angoissé comme on devine, avait pensé naïvement rendre les choses plus faciles en choisissant quelqu’un qu’il pourrait détester. C’est à ce genre de réflexion que se repèrent les amateurs ».

 

 

« Un militaire, vous lui retirez la guerre qui lui donnait une raison de vivre et une vitalité de jeune homme, vous obtenez un croûton hors d’âge ».

 

 

« Cette vaste entreprise morale et patriotique de regroupement des cadavres entraînait toute une chaîne d’opérations lucratives à souhait, des centaines de milliers de cercueils à fabriquer puisque la plupart des soldats avaient été enterrés à même le sol, parfois simplement roulés dans leur vareuse. Des centaines de milliers d’exhumations à coups de pelle (le texte prévoyait explicitement qu’il fallait user de la plus grande précaution), autant de transports en camion des dépouilles mises en bière jusqu’aux gares de départ et autant de réinhumations dans les nécropoles de destination…

Si Pradelle remportait une part de ce marché, pour quelques centimes par corps, ses Chinois allaient déterrer des milliers de cadavres, ses véhicules transporter des milliers de dépouilles en putréfaction, ses Sénégalais inhumer le tout dans des tombes bien alignées avec une belle croix vendue au prix fort, de quoi reconstruire de fond en comble, en moins de trois ans, la propriété familiale de la Sallevière, qui pourtant était un sacré gouffre.

À quatre-vingts francs le cadavre et avec un prix de revient réel aux alentours de vingt-cinq, Pradelle espérait un bénéfice net de deux millions et demi.

Et si le ministère passait, en plus, quelques commandes de gré à gré, en retirant les pots-de-vin, on frôlerait les cinq millions.

Le marché du siècle ».

 

 

« De toutes ces histoires sur Edouard, lesquelles étaient vraies ? C’était à lui de choisir. L’important était que le récit de M. Maillard traduisait moins la vie d’Edouard lui-même que l’ambiance dans laquelle il avait vécu pendant toute cette guerre. Des jeunes gens risquant leur peau chaque jour et plaisantant le soir, les pieds gelés ».

 

 

« C’était son regard qui changeait, comme il arrive que notre perception d’un visage évolue à mesure que nous l’observons, cette femme qu’on jugeait bien jolie tout à l’heure et qui devient banale, cet homme assez laid à qui on découvre un charme dont on se demande comment il avait pu nous échapper ».

 

 

« Bon Dieu, quelle journée !

Le jour où il devenait millionnaire, son beau-père allait passer l’arme à gauche.

Une chance pareille, c’était à peine croyable ».

 

« M. Péricourt comprit immédiatement qu’il s’agissait des dessins de son fils. Des soldats au front. Il sut qu’il ne pourrait pas le feuilleter tout entier, que pour affronter cette réalité et sa culpabilité écrasante, il lui faudrait du temps. Il s’arrêta sur l’image d’un soldat tout équipé, casqué, assis, les jambes écartées, allongées devant lui, les épaules basses, la tête légèrement penchée, dans une position harassée. S’il ne portait pas de moustaches, ce pourrait être Édouard, se dit-il. Avait-il beaucoup vieilli pendant ces années de guerre où il ne l’avait pas vu ? Avait-il lui aussi laissé pousser sa moustache, comme tant de soldats ? Combien de fois lui ai-je écrit ? se demanda-t-il. Tous ces dessins au crayon bleu, c’est donc qu’il n’avait que cela pour dessiner ? Madeleine avait dû lui envoyer des colis, non ? En se souvenant de cela, il se dégoûta, il se souvenait avoir dit : « Pensez à envoyer un colis à mon fils… » à l’une de ses secrétaires, celle qui avait un fils au front, disparu en 1914, en été, M. Péricourt revoyait cette femme de retour à son bureau, transfigurée. Pendant toute la guerre, elle avait envoyé des colis à Édouard comme à son propre fils, elle disait simplement, j’ai préparé un colis, M. Péricourt remerciait, il prenait une feuille, il écrivait : « Bien à toi, mon cher Édouard », puis il hésitait sur la manière de signer, « Papa » aurait été déplacé, « M. Péricourt », ridicule. Il mettait ses initiales.

Il regarda à nouveau ce soldat épuisé, effondré. Il ne saurait jamais réellement ce que son fils avait vécu, devrait se contenter des histoires des autres, celles de son gendre, par exemple, des histoires héroïques là encore, aussi mensongères que la lettre du camarade d’Édouard, il n’aurait plus que cela, des mensonges, d’Édouard, il ne saurait plus jamais rien. Tout était mort. Il referma le carnet et le mit dans la poche intérieure de sa veste.

Madeleine ne l’aurait jamais montré, mais elle avait été surprise par la réaction de son père. Cette visite soudaine au cimetière, ces larmes, si inattendues… Le ravin qui séparait Édouard de son père lui était toujours apparu comme une donnée géologique, établie dès l’origine des temps, comme si les deux hommes avaient été deux continents placés sur des plaques différentes, qui ne pouvaient se rencontrer sans déclencher des raz de marée. Elle avait tout vécu, assisté à tout ».

 Billet réalisé en 2014

Un commentaire sur “Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre

  1. pachrimaco
    24 avril 2015

    et moi je te fais un au-revoir d’ici bas !! biz ma belle et douce nuit

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Cette entrée a été publiée le 23 avril 2015 par dans mes auteurs préférés, roman, et est taguée , , , , , .