« Raconter, plutôt qu’écrire, parce que je n’ai pas de quoi écrire et que de toute façon il est interdit d’écrire, mais si c’est une histoire, même dans ma tête il faut que je la raconte à quelqu’un. On ne se raconte pas une histoire seulement à soi-même. Il y a toujours un autre. Même quand il n’y a personne ».
Résumé éditeur :
Devant la chute drastique de la fécondité, la république de Gilead, récemment fondée par des fanatiques religieux, a réduit au rang d’esclaves sexuelles les quelques femmes encore fertiles. Vêtue de rouge, Defred, « servante écarlate » parmi d’autres, à qui l’on a ôté jusqu’à son nom, met donc son corps au service de son Commandant et de son épouse. Le soir, en regagnant sa chambre à l’austérité monacale, elle songe au temps où les femmes avaient le droit de lire, de travailler… En rejoignant un réseau secret, elle va tout tenter pour recouvrer sa liberté.
Paru pour la première fois en 1985, La Servante écarlate s’est vendu à des millions d’exemplaires à travers le monde. Devenu un classique de la littérature anglophone, ce roman, qui n’est pas sans évoquer le 1984 de George Orwell, décrit un quotidien glaçant qui n’a jamais semblé aussi proche, nous rappelant combien fragiles sont nos libertés. La série adaptée de ce chef-d’œuvre de Margaret Atwood, avec Elisabeth Moss dans le rôle principal, a été unanimement saluée par la critique.
« Notre fonction est la reproduction ; nous ne sommes pas des concubines, des geishas ni des courtisanes. Au contraire : tout a été fait pour nous éliminer de ces catégories. Rien en nous ne doit séduire, aucune latitude n’est autorisée pour que fleurissent des désirs secrets, nulle faveur particulière ne doit être extorquée par des cajoleries, ni de part ni d’autre ; l’amour ne doit trouver aucune prise. Nous sommes des utérus à deux pattes, un point c’est tout : vases sacrés, calices ambulants ».
Quel livre étrange et glaçant… Comme beaucoup, j’ai entendu parler de cette fameuse série à succès. Et puis je découvre qu’à l’origine, il y a un livre. Evidemment, j’ai eu très envie de le découvrir. Et me voilà partie dans cette lecture, où l’on rentre de plein pied dans la tête de Defred, servante écarlate dans la république de Gilead. Je situe cette république aux Etats-Unis, mais on ne nous le dit pas clairement. Au début, j’ai eu vraiment l’impression d’un « reportage » intime d’une femme dans la république de Daech, tellement certains aspects sont identiques : la violence, la terreur, le non-respect et la soumission des femmes etc. Intriguée, je suis allée vérifier l’année de publication de ce livre de Margaret Atwood : 1985. Donc impossible. D’autant que cette république fanatique religieuse, a l’air plutôt basée sur le catholicisme. Remarquez, Daech n’a pas inventé ni la violence, ni le règne de la dictature par la terreur, ni le machisme poussé à l’extrême. C’est donc l’histoire de Defred, on ne saura jamais son prénom d’avant, d’avant la peur, d’avant la fracture totale avec la vie normale. Du jour au lendemain, les femmes ont dû quitter leur emploi, n’ont plus eu accès à leur compte bancaire et ont du coup, sont devenues complètement dépendantes de leur mari. Et puis tout le gouvernement a été éliminé. Et la république de Gilead a instauré ses nouvelles lois, ses règlements complétement déments. Defred a été rééduquée avec d’autres femmes, encore fertiles, à devenir des servantes. En effet, le monde connaît une chute de la fertilité incroyable. Ils ont donc trouvé une solution démente et absolument tordue. Ces servantes, toutes vêtues de rouge et avec des coiffes blanches avec des « ailes » sur la tête qui les empêchent de voir sur les côtés, sont au service d’un Commandant et de son épouse infertile, pour donner naissance à un enfant. Et elles ont intérêt d’obéir et de réussir, si elles ne veulent pas être envoyées dans les colonies où les vieilles femmes, les femmes inutiles ou rebelles sont employées à trier des déchets toxiques avec une espérance de vie très limitée. Ce qui est fou dans cette société, c’est que les femmes sont déterminées par leurs fonctions et ont un uniforme correspondant : les épouses infertiles, en bleu, les servantes, en rouge, les Marthas (les cuisinières, femmes de ménages), en vert, les Tantes (femmes qui éduquent et surveillent les servantes), en gris, les éconofemmes, (femmes pauvres), en costumes rayés…. C’est vraiment un univers effrayant, glaçant, où l’on lave le cerveau de milliers de personnes et que l’on terrorise pour en faire ce que l’on veut. Une société où l’homme est roi, où les femmes ne sont rien. Les souvenirs, douloureux, trop douloureux, peu à peu s’estompent… de force, seule façon de survivre physiquement et moralement aussi. Defred nous raconte sa vie quotidienne, monotone et obéissante. Elle nous parle aussi, par petites bribes, de sa vie d’avant… sa meilleure amie, Moira, qu’elle retrouvera plus tard chez les servantes, sa mère, féministe, son mari Luke, sa petite fille dont elle n’a aucune nouvelle… Sont-ils vivants, morts ? Le rythme de l’histoire, surtout au début, est assez lent, comme la vie de Defred. Puis peu à peu, on commence à entrevoir des éléments de cette société effroyable, et…
Je ne vous parlerai pas de la suite, à vous de le découvrir en lisant cette servante écarlate qui fait froid dans le dos. Je suis ravie, dans quelques jours TF1 va proposer la série du même nom. Je suis curieuse de voir comment ils ont adapté cette histoire incroyable. Bref, en conclusion, un livre à découvrir…
« C’était après la catastrophe, quand ils ont abattu le Président, mitraillé le Congrès et que les militaires ont déclaré l’état d’urgence. Ils ont rejeté la faute sur les fanatiques islamiques, à l’époque.
Restez calmes, disait la télévision. La situation est entièrement maîtrisée.
J’étais abasourdie. Tout le monde l’était. Je le sais. C’était difficile à croire. Le gouvernement tout entier, disparu comme dans une trappe. Comment sont-ils entrés, comment cela s’est-il passé ? C’est à ce moment-là qu’ils ont suspendu la Constitution. Ils disaient que ce serait temporaire. Il n’y a même pas eu d’émeutes dans la rue. Les gens restaient chez eux le soir, à regarder la télévision, à chercher à s’orienter. Il n’y avait même pas un ennemi sur lequel mettre le doigt ».
Lien vers la fiche du livre sur Babélio
https://www.babelio.com/livres/Atwood-La-Servante-ecarlate/7074
« L’ordinaire, disait tante Lydia, c’est ce à quoi vous êtes habitués. Ceci peut ne pas vous paraître ordinaire maintenant, mais cela le deviendra après un temps. Cela deviendra ordinaire ».
« Mes mains restent où elles sont, croisées sur mes genoux. Cuisses jointes, talons repliés sous moi, pressés contre mon corps. Tête baissée. Dans ma bouche il y a le goût du dentifrice, menthe artificielle et plâtre.
J’attends que la maisonnée se réunisse. Une maisonnée c’est ce que nous sommes. Le Commandant est le maître de notre maison. Il maîtrise notre maison. Posséder et maîtriser, jusqu’à ce que la mort nous sépare ».
« Je ne m’appelle pas Defred, j’ai un autre nom, dont personne ne se sert maintenant parce que c’est interdit. Je me dis que ça n’a pas d’importance, un prénom, c’est comme son propre numéro de téléphone, cela ne sert qu’aux autres. Mais ce que je me dis est faux, cela a de l’importance. Je garde le savoir de ce nom comme quelque chose de caché, un trésor que je reviendrai déterrer, un jour. Je pense à ce nom comme à quelque chose qui serait enfoui. Ce nom a une aura, comme une amulette, un talisman qui a survécu à un passé si lointain qu’on ne peut l’imaginer. Je suis allongée dans mon lit à une place la nuit, les yeux fermés, et ce nom flotte derrière mes paupières, légèrement hors d’atteinte, resplendissant dans le noir ».
« » Que la femme apprenne en silence et en totale soumission. Ici son regard parcourt notre assemblée. » Totale », répète-t-il.
» mais je ne tolère pas qu’une femme donne des leçons à un homme, ni usurpe sur son autorité ; qu’elle demeure dans le silence.
» Car Adam fut créé le premier, puis Eve.
» Et Adam ne fut pas trompé, mais la femme qui le fut était dans le péché » ».
« Il vous faudra me pardonner. Je suis une réfugiée du passé, et comme les autres réfugiés, je passe en revue les coutumes et les façons d’être que j’ai quittées ou que j’ai été forcée de laisser derrière moi, et tout semble tout aussi bizarre, vu d’ici, et j’en reste tout autant obsédée. Comme un Russe blanc qui boit du thé à Paris, égaré dans le XXe siècle, je vagabonde vers le passé, je tente de regagner ces sentiers lointains. Je deviens trop sentimentale, je me perds. Je larmoie. Larmoyer, c’est cela, et non pas pleurer ».
« Sur le Mur, pendent les trois femmes de ce matin, toujours vêtues de leurs robes, chaussées de leurs souliers, toujours la tête fourrée dans les sacs blancs. On leur a délié les bras, ils sont raides et convenables à leurs côtés. La bleue est au milieu, les deux rouges de part et d’autre, quoique les couleurs ne soient plus aussi vives. Elles semblent s’être fanées, défraîchies, comme des papillons morts ou des poissons tropicaux à se dessécher sur le rivage. Elles ont perdu leur brillant. Nous restons à les regarder en silence ».
« Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Personne n’a dit quand ».
« C’est du manque d’amour que nous mourons. Il n’y a personne ici que je puisse aimer, tous ceux que je pouvais aimer sont morts ou ailleurs. Qui sait où ils sont et comment ils s’appellent maintenant. Ils pourraient aussi bien n’être nulle part, comme c’est mon cas pour eux. Moi aussi je suis une personne disparue ».
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