« – J’ai vu que tu sanglais ton Jet Ranger.
– Oui, face à l’océan, c’est plus prudent en cas de coup de vent. Alors dis-moi, tu seras vraiment parti quand je reviendrai ?
– Oui, je rentre en Europe demain. Mon avion part de New York demain matin.
– Alors salut, dans ce cas. À la prochaine. Essaye de ne pas attendre quarante ans avant de revenir !
Il brûle d’envie de lui dire qu’ils ne se reverront jamais, mais il se retient pour ne pas gâcher la surprise ».
Résumé éditeur :
Quand Jacques Soulniz embarque sa fille Rebecca à la découverte de l’Islande, c’est pour renouer avec elle, pas avec son passé de routard. Mais dès leur arrivée à l’aéroport de Keflavik, la trop belle mécanique des retrouvailles s’enraye. Mots anonymes sur le pare-brise de leur voiture, étrange présence d’un homme dans leur sillage, et ce vieux coupé SAAB qui les file à travers déserts de cendre et champs de lave… jusqu’à la disparition de Rebecca. Il devient dès lors impossible pour Soulniz de ne pas plonger dans ses souvenirs, lorsque, en juin 1973, il débarquait avec une bande de copains sur l’île d’Heimaey, terre de feu au milieu de l’océan.
Un trip initiatique trop vite enterré, des passions oubliées qui déchaînent des rancœurs inattendues, et un flic passionné de folklore islandais aux prises avec la mafia lituanienne : après l’inoubliable Mongolie de sa trilogie Yeruldelgger et le Brésil moite et étouffant de Mato Grosso, Ian Manook, écrivain nomade, nous fait découvrir une Islande lumineuse, à rebours des clichés, qui rend plus noire encore la tension qu’en maître du suspense il y distille.
« Ida suspend son geste et se tourne vers l’inspecteur Kornélius Jakobsson. Un troll. Un mètre quatre-vingt-quinze et cent kilos et quelques. Qu’il soit devenu flic, ça allait de soi. Qu’il fréquente les salles de force où des Vikings s’entraînent à devenir les hommes les plus forts du monde pour décrocher un rôle dans Game of Thrones, elle peut encore comprendre. Mais qu’il chante le répertoire d’un folklore moyenâgeux dans une chorale de quartier au milieu de vieilles filles véganes et de veuves tricoteuses la dépasse. C’est comme l’imaginer sirotant un macchiato dans un club de couture. Quelquefois, ce type fort comme un roc lui fiche quand même un peu la trouille ».
Décidément, je suis mitigée avec Ian Manook… un coup j’adore, un coup un peu moins… Là avec un thriller qui se déroule en Islande, j’étais très impatiente et enthousiaste à l’idée de mettre mes pas dans ceux de Ian Manook… D’autant que la lecture de « Hunter » par le même auteur, mais sous le pseudonyme de Roy Braverman, m’avais complètement scotchée et j’avais adoré ! Je partais donc confiante en Islande avec Jacques Soulniz qui revenait avec sa fille en Islande 40 ans après un premier voyage inoubliable pour lui… à tous niveaux, on le découvrira au fil des pages. Ce n’est pas le grand amour entre le père et sa fille, ce voyage est pour eux une tentative de reprise de contact après un éloignement de plusieurs années, suite au suicide de la femme de Jacques Soulniz, la maman de Beckie. Les retrouvailles ne sont pas simples, plutôt tendues voire houleuses par moment. Cependant, Beckie tombe sous le charme de ce pays très particulier et son père est heureux de lui faire découvrir un pays qu’il aime visiblement beaucoup. Tout cela bien sûr se complique avec des petits actes malveillants qui leur pourrissent leur voyage et qui au fil du temps, s’aggravent. Qui en veut à Jacques Soulniz et sa fille ? En parallèle, Kornélieus Jakobsson, un flic islandais, chanteur à ses heures, dans une chorale de chants folkloriques, enquête sur différents crimes assez atypiques comme un homme ébouillanté dans une solfatare bien fumeuse à qui on a taillé un pantalon de peau, un nécropant… ça ne rigole pas en Islande… Il cherche également à récupérer deux kilos de cocaïne, vous verrez pourquoi en lisant le livre. Les chemins de Kornélius et de Soulniz finissent par se croiser et l’aventure devient en partie commune.
L’intrigue est dense et fournie, il vous faudra lire « Heimaey » pour en savoir plus… Ce livre est une vraie invitation découverte de l’Islande, pays ô combien particulier, différent, brut, magnifique et dangereux. Des images naissent de l’écrit de Ian Manook, mais j’aurais aimé avoir un livre de photos sur l’Islande à ma portée durant ma lecture. Globalement, j’ai bien aimé ce thriller, mais ce n’est pas un vrai coup de foudre, car au milieu du livre, j’ai trouvé que l’intrigue fléchissait un peu, et pour tout dire, je m’ennuyais un peu. Je vous rassure, on termine le thriller sur les chapeaux de roues ! J’ai beaucoup aimé le personnage du flic troll Kornélius. Il est absolument délicieux et attachant. Par contre, j’ai trouvé Jacques Soulniz assez insupportable, toujours énervé, en colère, violent et sa fille Beckie, guère plus sympathique. Finalement, ce sont les personnages islandais que j’ai préférés. Ida et Botty sont deux femmes également fort intéressantes et attachantes.
A lire ne serait-ce que pour la découverte de l’Islande et pour le troll islandais, Kornélius.
« Et soudain, au détour d’un virage, un mur de lave. Une longue langue de roche noire et tourmentée que vents et pluies n’ont pas eu le temps d’émousser. Une muraille haute de plusieurs mètres, vierge de toute végétation, vestige d’une ultime fusion. Beckie est aussitôt hypnotisée par cette force brutale, cette violence immobile et tout ce que cela suppose de cataclysmes infernaux et de chaos dantesques. Très loin à l’horizon, des cônes sombres se découpent contre le ciel blanc et elle se demande lequel de ces volcans a vomi jusqu’ici sa mélasse incandescente. Et quel vent de glace l’a figée ».
Lien vers la fiche du livre sur Babélio
https://www.babelio.com/livres/Manook-Heimaey/1068378
« Ce goût des Islandais pour les refuges enterrés. Les maisons de tourbe. Les bains chauds dans les grottes. Le peuple invisible dans les rochers. Ce besoin d’appartenir au minéral quand les océans grondent tout autour ».
« Dans les couloirs presque vides, Kornélius croise un supérieur qui s’interroge sur l’avancée de l’enquête concernant le corps retrouvé dans la solfatare. Kornélius le rassure. Les choses avancent. On attend le dernier topo de la légiste.
– C’est vrai qu’on lui a taillé un nécropant ?
– Il semblerait.
– Bon Dieu, qui peut encore croire à cette légende du Nábrók de nos jours ? Essayons d’éviter que la presse s’empare de cette affaire, d’accord ? »
« Quoi, vous croyez vraiment que ce pays est un pays de certitudes ? Une île à cheval sur deux plaques tectoniques. Cent trente volcans dont au moins trente systèmes actifs. Certains sous le plus grand glacier d’Europe. Vingt-cinq mille tremblements de terre par an. À quelle certitude voulez-vous vous raccrocher ? »
« Soulniz ne répond pas. Il sourit et redémarre, et quelques minutes plus tard, dans le contre-jour du couchant qui s’annonce, ils devinent l’incendie flamboyant des fumerolles géantes de Gunnuhver. Le soleil les allume comme des torches orange dans un ciel déjà mauve et Beckie reçoit comme un coup la brutalité de ce paysage irréel. Tourmenté. Primaire. Aussi bien la naissance d’un monde que son agonie.
Encore une fois, ils sont presque seuls sur le site. Quatre jeunes Japonaises en ciré jaune reviennent vers le parking par les caillebotis qui courent entre les solfatares et les marmites de boue. On parle souvent de l’Islande comme d’un paysage lunaire et c’est vrai pour ses déserts de cendre où les astronautes des missions Apollo sont venus s’endurcir à la solitude et à la désolation. Mais à Gunnuhver, c’est Mars plus que la Lune. Un chaos martien d’apocalypse ».
« – En Islande, si tu n’aimes pas le temps qu’il fait, dit le proverbe, attends cinq minutes ».
« De petits icebergs translucides dérivent depuis le front bleuté du glacier à quelques kilomètres plus au nord jusqu’à la mer. Ils glissent sous un haut pont métallique et même les enfants, accroupis sur la grève de cailloux gris, admirent sans un mot ces vaisseaux de glace qui passent en silence.
Ils y voient des licornes et des elfes, des trolls, des dragons. Les adultes y voient leur temps qui passe et la futilité de toute beauté qui est de flétrir, de fondre et de disparaître ».
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