« N’oubliez pas qu’il n’y a pas plus grande menteuse que la mémoire ! Elle est là pour nous préserver, elle réinvente en permanence nos souvenirs pour nous permettre de continuer à avancer ; elle ne vous aidera pas à trouver la vérité… »
Résumé éditeur :
La vérité n’est jamais là où on l’attend.
La brume des Vosges cache bien des secrets. Bertille le sait : elle les a fuis. Retranchée à Paris dans une vie solitaire, la jeune femme a enterré ses souvenirs. Jusqu’au jour où sa vie bascule. Quelques pages trouvées dans le cabas d’un vieil homme la réveillent d’un coup : il s’agit d’une confession, écrite par un certain Victor Kessler. Car le 17 novembre 1973, quarante-cinq ans plus tôt, le corps d’un enfant de dix ans a été́ repêché́ dans un lac près de Saintes-Fosses. L’instituteur du village est le coupable idéal : Victor Kessler, lui-même.
Fascinée par l’affaire, poussée par Victor, Bertille part en quête de la vérité. Mais, à la recherche des démons du vieil homme, ne finira-t-elle pas par croiser les siens, enfouis dans les forêts vosgiennes ? Et toujours cette même question : parler ou se taire ?
Un roman au suspense implacable et aux personnages puissants, par l’auteur du Parfum de l’hellébore (11 prix littéraires) et de Chambre 128 (droits vendus dans 7 pays, dont les Etats-Unis). Cathy Bonidan écrit depuis l’âge de quatorze ans. Elle est institutrice à Vannes.
400 pages – 11/6/2020
« Des heures plus tard, du fond de son lit, Bertille se remémorerait chaque seconde de la scène. Les yeux exorbités de l’homme, son visage déjà ridé qui s’était ratatiné comme si le passage des années avait été filmé en accéléré pour vanter l’urgence d’une crème anti-âge, l’absence de bouche, lèvres avalées sous l’effet de la panique, et enfin les jambes qui avaient lâché, au ralenti, pendant que le regard clair du vieillard agrippait le sien pour retenir la chute. Durant ce temps infini, Bertille n’avait pas esquissé un seul geste, paralysée par la surprise plus que par la peur et attendant sottement que l’homme fût à terre pour s’agenouiller à ses côtés ».
J’ai découvert Cathy Bonidan très récemment avec « Chambre 128 » que j’avais bien aimé. Si bien qu’on a eu la gentillesse de me faire découvrir son dernier roman « Victor Kessler n’a pas tout dit » (merci !). Surtout ne vous arrêtez pas au fait que le titre n’a rien de sexy ni d’attirant (pardon Cathy Bonidan). Le contenu va je pense vous séduire comme il l’a fait pour moi. J’ai vraiment beaucoup aimé ! Son écriture est agréable, le récit palpitant, jusqu’au bout on veut savoir si Victor est coupable ou non. De plus, les personnages sont très humains, on s’y attache tout doucement. Bref pour moi un joli petit coup de cœur ! L’auteure n’a pas utilisé le style épistolaire comme pour « Chambre 128 » mais néanmoins, le récit est ponctué des mémoires de Victor qui raconte son adolescence à Saintes-Fosses dans les Vosges pour en arriver au drame de sa vie, la mort de Simon, le jeune frère de Céline, son grand amour. Bertille, elle, écrit également le compte-rendu de son enquête et ses différentes découvertes à Victor. Ils sont devenus amis entre-temps. Les faits dont parle Victor se sont déroulés il y a maintenant longtemps, dans les années 70. Victor qui était à l’époque l’instituteur du village et donc de Simon, a été accusé de son meurtre et a fait 40 ans de prison. Il n’a jamais avoué mais ne s’est jamais vraiment défendu, à la grande surprise de son entourage et des gens du village. C’est maintenant un homme très âgé, qui vit seul. Il rencontre Bertille dans un supermarché un dimanche alors qu’elle tente de l’interroger pour la DARES sur le fait de venir faire ses courses un dimanche. Victor tellement effrayé dans un premier temps, fait un malaise. Bertille prend le cabas du vieil homme et va à l’hôpital pour avoir de ses nouvelles, car elle se sent responsable de son malaise, et elle veut aussi lui rendre ses affaires. L’hôpital ne pouvant conserver des aliments frais, Bertille rentre chez elle avec le cabas de Victor. Quand ce dernier rentre chez lui, elle va chez lui pour lui rendre son cabas. Mais avant cela, elle avait découvert des feuilles manuscrites cachées dans la doublure et avait commencé à lire l’incroyable confession de Victor. Bizarrement cette histoire ancienne concernant des inconnus l’intéresse au plus haut point et Bertille veut découvrir la suite et surtout la vérité. Elle-même originaire des Vosges d’où elle est partie brutalement depuis 15 ans sans jamais y remettre les pieds, finit par convaincre Victor de la laisser partir à Saintes-Fosses pour mener l’enquête et tenter de retrouver les derniers protagonistes de l’affaire encore en vie. Bertille, elle-même, très solitaire et torturée par son passé, va se dépasser, apprivoiser ses peurs et enquêter sur le passé de Victor. Son cheminement l’incite peu à peu à replonger également dans son propre passé très tourmenté. Cette histoire est très attachante, se lit bien et nous parle aussi de nos peurs, nos traumatismes anciens qui ont prise sur notre vie. Oui vraiment j’ai beaucoup aimé ! A découvrir.
« Bertille reposa le paquet de feuilles sur la table. Mélanie dormait dans la chambre et elle s’apprêtait à faire de même sur le canapé quand elle avait repensé à sa trouvaille. Ses doigts tremblaient, de peur ou d’excitation. Ce récit justifiait évidemment la valeur du cabas pour son propriétaire. Elle devait donc replacer les feuillets dans la doublure du sac et le recoudre avec application. Le vieux n’y verrait que du feu et elle-même oublierait tout cela. Sauf que. Sauf qu’elle était prise par cette confession et qu’elle voulait la lire jusqu’au bout ».
Lien vers la fiche du livre sur Babélio
https://www.babelio.com/livres/Bonidan-Victor-Kessler-na-pas-tout-dit/1233078
« Sa plus grande peur était que ses copains marseillais ne l’oublient si son séjour à Saintes-Fosses se prolongeait. Pour cette raison, il organisait sa fuite, persuadé qu’on l’abandonnerait à son sort s’il parvenait enfin à rejoindre l’appartement marseillais. Il se jugeait assez grand pour se débrouiller tout seul pour peu que son père lui laissât l’argent nécessaire à sa survie. Curieusement, je le croyais. Pour lui éviter des difficultés supplémentaires, j’allais même jusqu’à falsifier ses notes, assurant à sa sœur que son niveau n’était pas si mauvais et qu’il progressait de façon spectaculaire. J’aurais été prêt à le proclamer meilleur élève de la classe pour voir le visage de Céline s’illuminer devant les prouesses de son petit frère ».
« Bertille était partie ce matin pour les Vosges. De théière en théière, Victor avait relu le début de sa confession pour s’arrêter au même endroit qu’elle. La suite, elle l’ignorait encore ; lui continuerait seul sa relecture avant de se décider à reprendre la plume pour livrer ses derniers mots ».
« Elle ne le sait pas encore, mais ces mots qui s’empilent sont capables de tout emporter sur leur passage. À la manière de ces gouttes d’eau inoffensives qui, rassemblées en torrent, acquièrent un pouvoir dévastateur ».
« On ne ment pas à neuf ans, on raconte. C’est aux adultes à faire la différence ».
« – Vous n’avez jamais envisagé sa culpabilité ?
– Bien sûr que si… Quand il a refusé que je m’intéresse à son histoire, j’ai pensé qu’il y avait quelque chose qu’il ne voulait pas qu’on découvre. Il semblait réfractaire à toute réouverture du dossier alors qu’il était déjà condamné à perpétuité… Pendant un temps, j’ai imaginé qu’il avait pu commettre un autre crime qui lui aurait valu à coup sûr la peine de mort cette fois… Mais septembre 1981 est arrivé, la peine de mort a été abolie et il est tout de même resté sur sa position. Quand je l’ai revu, à la fin de sa réclusion, la question n’avait plus d’importance, j’avais appris à connaître la personne et je ne le voyais pas comme un meurtrier. Bien sûr, il portait une culpabilité en lui comme s’il avait fait quelque chose de pas très net, quelque chose qui aurait justifié, à ses yeux, de passer sa vie derrière les barreaux… »
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