« Le champ était un grand terrain vague, paisible, qui voulait ressembler à une prairie, avec une colline posée dessus. Au sommet, il y avait un arbre, ou du moins ce qu’il en restait : un tronc cicatrisé d’initiales, de je t’aime gravés au couteau, entourés de cœurs grossiers, et ses plus hautes branches, sauvées des assauts répétés des mômes. Au printemps, des buissons épineux bourgeonnaient, des ronces et d’autres herbes folles l’envahissaient. Nos cheveux fleurissaient de boutons-d’or, de coquelicots, de fleurs de pissenlit cueillis, et les orties coloraient nos mains de rose. Un champ vierge pour que les gosses suçotent l’acide saveur de la rhubarbe sauvage ».
Résumé éditeur :
Dans une petite ville ouvrière de l’Est de la France, cinq enfants font les quatre cents coups pour gagner quelques pièces, en vue de réaliser leurs rêves.
Ils ont dix ans, pas un sou en poche et vouent un culte au cinéma, aux patates à la braise et au Coca-cola.
Pour étancher cette soif de découverte et gagner quelques pièces, ces cinq débrouillards récupèrent dans une benne, métaux, cartons et bouteilles consignées pour les revendre à un ferrailleur pas très honnête. Mais la concurrence fait rage, les Gitans et Momo le clochard se servent aussi. Alors en attendant de grandir, ils traînent dans le faubourg avec Lachance, leur chat, et s’interrogent sur l’origine du monde, sur ce couple qu’ils ont vu tout nu au sommet de la colline à l’arbre seul.
Abdelhafid Metalsi signe un texte poignant, tendre, dans la veine de La vie devant soi de Romain Gary, de La guerre des boutons et des 400 coups.
198 pages – 7/10/2020
« Les jours l’été, pour chasser l’ennui, on partait à l’aventure hors du faubourg. Dans la rue Copernic, au coin du sentier qui monte en direction du champ, on a aperçu les Grands qui redescendaient. On a vite rebroussé chemin pour s’engouffrer dans la cage d’escalier du bloc le plus proche. On est restés cachés en jurant. Il y a des rencontres qu’on aimait pas faire. Dans l’entrebâillement de la porte, on a guetté leur passage. Sur le trottoir d’en face, ils poussaient un caddie contenant pas mal de bouteilles. À leur couleur, on devinait des bières ».
J’ai découvert sur le tard la série Chérif dans laquelle Abdelhafid Metalsi tient avec succès le rôle-titre. Par hasard j’ai vu que l’acteur était devenu écrivain avec la publication de son premier roman « La colline à l’arbre seul ». Curieuse j’ai eu envie de le lire, comme ça, pour voir ! Agréable surprise toute en douceur, la douceur et la nostalgie de l’enfance. En effet, on suit une petite bande de gamins débrouillards de 10 ans, qui passent la plupart de leur temps ensemble pour s’amuser, passer le temps, essayer de gagner quelques sous pour aller au cinéma ou encore acheter du coca et des merguez pour les faire griller sur la colline et les manger avec des pommes de terre et du bon pain. Pique-nique d’été entre amis avant de rentrer à la maison. Ils sont cinq qui grandissent ensemble, découvrent la vie, la brutalité des grands parfois, mais aussi l’amour. On ne sait pas trop où cela se déroule, mais leur territoire c’est le faubourg qui est presque comme un village, et les champs derrière et surtout la colline posée dessus avec son seul arbre où les enfants se retrouvent quand ils ne sont pas à traîner dans les caves pour y cacher leur butin. C’est d’ailleurs dans les caves qu’ils ont trouvé un petit chat rescapé d’une portée massacrée. Il deviendra leur chat, leur mascotte, nommé Lachance. Les personnages sont attachants. Ce roman est un joli moment de lecture, une parenthèse dans le monde de l’enfance racontée avec une certaine gouaille mais aussi avec tendresse et poésie.
« Le second caddie débordait de tout ce foutu troc qu’on avait réussi à rassembler péniblement dans la cave et qu’on allait revendre à la ferraille : c’était le jour du salaire.
Parvenus sur le parking du supermarché, on avait la tête remplie de perspectives, pleine de calculs, de tout cet argent qu’on allait gagner pour aller au cinéma et de toutes les bouteilles de Coca, merguez à griller, patates à braiser sur un feu comme des Indiens de la plaine, qu’on allait s’enfiler, alors, on l’a pas vu en arrivant, on a pas fait gaffe à cause de la joie qui fait voir la vie en rose. Et puis, on peut pas toujours être aux aguets, même à plusieurs. La voix a gueulé de loin ».
Lien vers la fiche du livre sur Babélio
https://www.babelio.com/livres/Metalsi-La-colline-a-larbre-seul/1243600
« Assise à la table, à l’œuvre, ma maman caressait de sa voix douce les chansons de Fairouz. L’unique cassette, tellement écoutée, que le vieux poste ne la restituait qu’en grésillant, irrespectueux.
De temps à autre, je me retournais pour regarder ma mère. Elle fredonnait en préparant le repas du midi. Je contemplais son beau visage, ses mains nourricières ôter délicatement la fine peau carbonisée des poivrons brûlants grillés à feu vif. J’aimais sentir le parfum enrobant des poivrons, des tomates fraîchement pelées et découpées, des oignons finement émincés, de l’ail haché mélangé avec la coriandre fraîche et le cumin, qui cuisent lentement en irisant l’huile d’olive ».
« Ma mère m’a transmis le goût pour les histoires, les contes et ses conteuses. Mon père, celui du western américain, et une empathie évidente pour les Peaux-Rouges, les Indiens quels qu’ils soient. L’école élémentaire, celui du cinéma. Une fois par trimestre, l’école primaire était en effervescence. Le cinéma itinérant se déplaçait jusqu’à la salle du réfectoire, notre cantine. J’adorais ces moments suspendus. C’était la fête ».
« Monsieur le Curé était prêtre-ouvrier et syndicaliste. La semaine, il travaillait comme ouvrier et tenait une permanence pour un syndicat. Pas un tire-au-flanc.
Dans le faubourg, pour la plupart d’entre nous, nos parents étaient ouvriers. Comme tous les cinq. Monsieur le Curé ne se lassait pas d’expliquer pourquoi il voulait défendre les travailleurs. Lors des goûters du caté, c’était l’occasion pour le berger qu’il était d’attirer les brebis qu’il croyait s’être égarées, et les instruire de ce qui les attendait ».
« Avant de retourner sur la colline, on a fait une escale au TAKARAKÉ, pour prendre des provisions. Karaï s’est occupé du feu et Gros des merguez à griller. Quand Momo a tiré le bouchon de la bouteille de gnole qu’on venait d’acheter avec nos sous et qui a coûté bonbon, on a tous tendu les gobelets, joyeux. On a coupé la gnole avec du vrai jus de pomme pour pas tousser. On a trinqué, parce que, là, autour du feu on avait un verre chacun comme des hommes, on avait gagné des sous, on était des trappeurs de l’Ouest américain, sans peau de bête.
– Momo, comment qu’on fait pour devenir un homme ? »
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