« Nous sommes tous les étrangers de ceux qui ne sont pas comme nous. »
Une île de rêve
Un tragique accident
Le thriller de tous les dangers
La Réunion, 2020. Un sorcier vaudou tisse sa toile autour de l’obscure Eglise qu’il a fondée loin de son Togo natal. Un homme meurt dans une terrible attaque de requin. Une petite fille se replie sur sa détresse de jour en jour. L’île, malgré ses paysages entre lagons turquoise et montagnes luxuriantes, n’a rien du paradis auquel Paul Kessler s’attendait. Pourtant, cet ex-commandant de police n’aspirait qu’à un peu de tranquillité jusqu’à sa rencontre, à Toulon, avec Hubert Bourdonnais.
Trois ans plus tôt, ce riche industriel a quitté l’archipel en confiant la direction de la vanilleraie familiale à Pierre, son fils unique. Mais celui-ci est décédé dans un crash d’hélicoptère. Et si la gendarmerie a conclu à un accident, Hubert Bourdonnais, lui, ne croit pas à cette thèse. Face à ses doutes, Kessler a accepté de mener l’enquête, sans imaginer qu’il serait confronté à une réalité bien sombre…
528 pages – 6/10/2022
« – Monsieur Kessler, je vous présente mes excuses si ma démarche vous heurte. Mais si vous étiez à ma place, si vous saviez au fond de vous que cet accident n’en est pas un, ne mettriez-vous pas tout en œuvre, tout ce qui est en votre pouvoir, pour tenter de découvrir la vérité sur la mort de votre enfant ? »
C’est le troisième roman de cet auteur que je lis et à chaque fois, je ne suis pas déçue. Il va falloir que j’accélère la découverte de ses autres livres ! J’ai beaucoup aimé le dépaysement procuré par « L’aigle noir » qui se déroule à la Réunion. L’auteur nous fait découvrir l’île sans que ce soit trop présent ni pesant, bien au contraire. Quant à l’histoire ou plutôt les histoires, j’ai aimé les intrigues, les personnages, le rythme, bref, un très bon moment de lecture et un coup de cœur ! Le récit se déroule sur deux époques et lieux différents. A partir de 2016 jusqu’en 2020, année où se passe l’essentiel de l’histoire, on suit le parcours chaotique et violent de Sogbe, un jeune Togolais orphelin de mère qui a été élevé par un chaman. Au moment d’être intronisé chaman lui-même, il commet des actes criminels très graves. En fuite, Sogbe finit par arriver à la Réunion où il décide de créer sa propre communauté à la gloire de Mawu et à des fins plus personnelles et malsaines. Paul Kessler quant à lui est un ancien policier de renom qui a pris sa retraite après l’accident qui a causé la mort de son fils. Il veut être au calme, loin de la violence de son métier. Il est néanmoins contacté par Hubert Bourdonnais, dont le fils unique s’est tué dans un accident d’hélicoptère à la Réunion alors qu’il avait repris la direction de la vanilleraie familiale. Le père désespéré est certain qu’il ne s’agit pas d’un accident et il veut que Paul Kessler reprenne l’enquête à la Réunion pour le prouver. Paul Kessler finit par accepter. Installé dans la demeure familiale des Bourdonnais, l’ancien policier va être charmé par l’île de la Réunion mais découvrir également un bien plus sombre visage de l’île sur fond de drogue, pédophilie et violence. Vraiment très bien écrit, des personnages attachants, j’ai été happée par « L’aigle noir » et je vous le recommande chaudement. Pour les amateurs de thrillers, bien sûr.
« Sogbe rentra chez lui, une obscure angoisse au ventre. Il enfila un tee-shirt pour dissimuler sa cicatrice, enfouit son sabre dans un vieux sac à dos de l’armée, puis y ajouta la natte et son masque garni de la mèche de cheveux brunis par le sang. Il remplit sa gourde, y dilua quelques-uns des nouveaux cristaux de meth que Sassou Koffi lui avait donnés, puis il quitta le village sur-le-champ, sans un regard en arrière. Après une nuit passée dans les bois à une vingtaine de kilomètres seulement, il fit du stop jusqu’à Lomé. Là, il embarqua à bord d’un cargo qui cherchait sur les quais un manœuvre pour travailler dans la cale. Et il disparut de la surface de la Terre. »
https://www.babelio.com/livres/Saussey-LAigle-noir/1430436
Note sur Babélio : 4,37/5 (58 notes) – Ma note : 5/5
« Paul se surprit alors à trouver la fraîcheur de sa voisine plaisante. Il décida de changer de sujet, histoire de dissiper la gêne qui s’était installée entre eux. – Qu’est-ce que c’est, un zoreille ? Soulagée, l’inconnue lui renvoya un sourire timide. – Un zoreille, c’est quelqu’un comme vous. – Quelqu’un comme moi ? – Oui. C’est un Français de métropole qui arrive chez nous. On vous appelle ainsi parce que, lorsque nous parlons en créole, vous êtes obligés de tendre l’oreille pour essayer de comprendre. Par exemple : Sa qu’y fréquente le chien y gagne le puce. Kessler se mit à rire. – J’adore ! Et vous en avez beaucoup, des expressions comme ça ? – Des centaines, oui. »
Jacques Saussey, né le 14 mars 1961, est un écrivain français, auteur de roman policier.
Il a commencé à écrire des nouvelles à l’âge de vingt-sept ans. Avec une quinzaine de romans à son actif, il est aujourd’hui considéré comme une nouvelle voix du polar français. Son thriller « Le Loup peint » (que j’ai lu et adoré !) a obtenu en 2016 le prix Saint-Maur en poche du meilleur polar français. « De sinistre mémoire », son deuxième roman, a obtenu le Prix polar des lycéens de Challans en 2018. En 2019, « Enfermé.e » a remporté le prix Découverte Polar des petits mots des libraires.
« Contrairement à ce que la plupart des gens imaginait, le crime d’inceste s’insinuait dans toutes les couches sociales, des plus pauvres aux plus fortunées. La différence, c’était que dans les secteurs les plus défavorisés de l’île, la mère sans emploi gardait ses rejetons en priant le destin que les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Voire en fermant les yeux sur ce qui se déroulait sous son toit, parce que si le mari était condamné et emprisonné, elle se retrouverait à la rue sans aucun revenu. Au bout du chemin, il ne lui resterait plus que l’alcool ou le suicide. Les mineurs seraient alors confiés à l’Aide sociale à l’enfance. Il n’y avait pas d’autre issue que cet insupportable éclatement de la famille. »
« Deux couteaux de cuisine plantés dans les orbites jusqu’à la garde lui clouaient le crâne sur le bois. On lui avait découpé les lèvres, cassé toutes les dents et sa langue avait été arrachée avec des tenailles. Le tueur avait même pris le temps de lui enfoncer un long tournevis d’une oreille à l’autre. Une autre version des trois singes de la sagesse. Le message était clair. Ne rien voir. Ne rien entendre. Et surtout, ne rien dire. »
« – Louna… Si quelqu’un t’avait fait du mal, tu me le dirais, n’est-ce pas ? Pas de réponse. – Louna… L’instituteur saisit son élève avec douceur par le bras pour qu’elle le regarde, mais la fillette sauta sur ses pieds et se mit à hurler : – Laisse-moi tranquille ! Laisse-moi tranquille ! Et elle s’enfuit aussitôt en courant vers l’autre bout de la cour de récréation. Le cahier lui avait échappé des mains. L’enseignant le ramassa et le rouvrit. Là, il eut un temps d’arrêt en découvrant la dernière page. La tête du monstre était immense, ses yeux énormes et noirs. Ses bras étaient aussi gros que ses cuisses. À l’intersection de ses jambes poilues, la pointe du crayon avait déchiré le papier. Jean-Denis Pavadé, saisi, s’assit sur le banc de béton alors que les autres pages, portant toutes le même dessin, défilaient sous ses doigts. »
« Ils gravirent la demi-douzaine de marches qui y menaient et se réfugièrent à l’ombre fraîche des murs de pierre. Paul avait lu le matin même que l’endroit avait été construit sur les ruines d’une ancienne écurie. Il constata que la décoration, minimaliste, avait gardé l’esprit du lieu originel. Les gousses de vanille, comme les boissons élaborées à partir de rhum et d’extrait d’orchidées, étaient conservées dans des coffres de bois qui les isolaient de la lumière et de la chaleur. Et le sol carrelé d’ocre conférait à la salle l’ambiance surannée des fermes d’autrefois. »
« Chloé Thuillier reposa son portable à côté de sa tasse de thé. Aucune réponse de Jean-Denis. Un tel silence n’était pas arrivé une seule fois depuis qu’ils s’étaient rencontrés à la rentrée des classes, six mois plus tôt. Le jeune instituteur ne s’en cachait d’ailleurs pas, il en pinçait pour elle, bien qu’il eût sept ou huit ans de moins qu’elle. La psychologue avait feint de ne pas s’apercevoir de son empressement à être toujours disponible pour elle, mais elle en avait été flattée. »
« Louna ramassa sa poupée et ferma les yeux. Il était temps qu’elle se réfugie pour un temps dans sa grotte, là où personne ne pouvait lui faire du mal. Elle se recroquevilla alors sous la couverture mentale avec laquelle elle enveloppait son esprit, puis elle verrouilla ses oreilles et serra les dents bien fort. Tant qu’elle ne parlerait pas, elle demeurerait invisible pour le monde des vivants. »
« Il n’y a besoin ni de tombe ni de fleurs, pour garder avec soi ceux qu’on a chéris. »
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