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Ces liens que l’on brise d’Albert Wendt

 

« Est-ce que la Tribu d’Aaron, Paul, Keith, Mere et Daniel a vraiment scellé un pacte, signé un contrat – ou quelque chose de ce genre – garantissant que, selon les mots de Daniel lors de leur dernière année à l’école primaire de Freemans Bay, ils seraient toujours copains et ne se laisseraient jamais tomber ? Ou était-ce, comme l’avait dit Keith avec son air réfléchi de personne aux idées claires, lors de leur troisième année du secondaire, que « nous, pauvres mecs, on doit se serrer les coudes dans cette société pourrie qui nous en veut ? » Ou était-ce, comme Aaron le répétait pendant leur première année à l’université d’Auckland, que « nous ne nous trahirons jamais et nous nous prêterons assistance pour toujours quoi que nous devenions, qui que nous devenions » ? Ou était-ce, comme Laura, qui avait adhéré à leur groupe durant leur troisième année d’université, disait en plaisantant : « Vous tous – y compris Keith qui est une Noix-de-coco adoptive – ne font qu’un avec vos bronzages permanents, votre sang marron et votre histoire à Freemans Bay auxquels vous ne pouvez échapper » ? Ou est-ce venu naturellement plus tard ? Et ils ne peuvent pas y échapper même si, par moments, ils en auraient envie ? Ou est-ce que leur alofa, leur loyauté mutuelle indiscutable, s’est trouvée scellée lors de la première semaine à l’école primaire dans la classe de mademoiselle Baystall ? »

 

 

Résumé éditeur :

Au cœur d’Auckland, métropole multiculturelle de la Nouvelle-Zélande, une « tribu » urbaine s’est formée dès l’école maternelle autour du personnage ambivalent d’Aaron. Cet être providentiel pour ses amis qui tire ses revenus de trafics illicites vient d’être assassiné et tous les liens de loyauté et d’entraide sur lesquels s’est fondée cette communauté sont remis en question lorsqu’il s’agit d’exécuter le testament du défunt. Les deux existences soigneusement cloisonnées d’Aaron apparaissent subitement au grand jour, laissant apparaître des lignes de fracture qui mettent brutalement les membres de la « tribu » face à leurs contradictions. Le code d’honneur exigeant que l’on venge le défunt l’emportera-t-il sur le respect de la loi attendu des citoyens d’un État moderne ? L’appât du gain sera-t-il plus fort que la solidarité de la « tribu » ?

 

 

 

« Elle se servit elle aussi et s’assit en face de Laura.

– A propos, mon nom c’est Mahina. Mais tous les amis de Mere m’appellent Hina ou Tatan. Tu choisis.

Laura s’empressa d’acquiescer.

– Je crois pas à ces conneries chrétiennes mais, dans mon whãnau (Mahori : famille), on dit toujours le karakia (Maori : prière).

Elle s’interrompit pour jeter un regard narquois et amusé en direction de Laura.

– Oui, je suis athée, dit Laura qui l’avouait pour la première fois publiquement.

Mahina ferma les yeux et, sur un ton solennel, mesuré et mélodieux, récita un karakia en maori, puis ouvrit les yeux pour inviter Laura à manger ».

 

 

 

C’est le premier livre d’Albert Wendt que je lis et je découvre par la même occasion cet auteur Samoan qui a visiblement une grande et belle notoriété dans le Pacifique et fut le premier professeur d’origine polynésienne à enseigner à l’Université d’Auckland en Nouvelle-Zélande. Nouvelle-Zélande qui occupa les Samoa devenues indépendantes en 1962. A l’occasion de cette lecture, je me suis un peu intéressée à l’histoire et à la géographie de cette partie du monde que je connais peu. A part « Utu » et « Haka » de Caryl Ferey (ben oui encore et toujours Caryl) et le rugby avec les All Black et leur Haka légendaire (je suis une passionnée de rugby, alors évidemment, les All Black, ce sont des maîtres incontestés) … je ne suis pas très calée sur la Polynésie. A ce titre, je vous conseille de lire à la fin du livre les quelques pages qui donnent des infos fort intéressantes sur la vie d’Albert Wendt.   

J’avais repéré « Ces liens que l’on brise » suite à la lecture d’une chronique très bien faite d’un blogueur que je suis avec plaisir et quand j’ai découvert que Babélio le proposait dans une opération Masse critique, je l’ai demandé et j’ai eu le très grand plaisir de le recevoir. J’en profite pour remercier Babélio et les éditions « Au vent des îles » pour cet envoi.

L’histoire commence à Hawaï où Daniel, un professeur et poète samoan est venu enseigner il y a deux ans, suite à son divorce d’avec Laura, son épouse palagi (d’origine européenne).

Daniel fait partie d’une Tribu qui se connaît depuis l’école primaire. Ils sont cinq : Daniel donc, Mere, Aaron, Paul et Keith. La Tribu est comme une famille, un whãnau. D’ailleurs entre eux, ils s’appellent p’tit frère, p’tite soeur. Chacun a évolué différemment, mais ils sont tous restés très très proches. Aaron est sans doute celui qui est le plus « différent » des autres. Tous savent qu’il a une double vie. Et sa deuxième vie est plus sombre, en dehors de la loi. Mais chacun ferme les yeux à cause de l’affection, l’amour (l’alofa) indéfectible qu’ils se portent tous et aussi pour les richesses qu’Aaron peut apporter à chacun grâce à ses trafics mafieux. Laura, une amie de Mere vient compléter la Tribu alors qu’ils sont à l’université. Mere était la seule fille de ce groupe d’amis, et elle a sans aucun doute le mana (Maori : prestige, charisme, force surnaturelle) naturel le plus fort et tous la suivent. Laura épousera Daniel quelques années plus tard. Laura est la seule Palagi, tous les autres sont Samoans et vivent maintenant en Nouvelle-Zélande. Ils sont très imprégnés des traditions de leur île et comme « Ces liens que l’on brise » nous raconte la vie de cette Tribu au fil du temps, on finit peu à peu par se sentir immergée dans cette culture et c’est très agréable et intéressant en même temps. On vit au fil des péripéties de leur vie, les aventures, les disputes, qui peu à peu nous emmènent au meurtre d’Aaron. Qui a tué Aaron ? Pourquoi ? Comment la Tribu va-t-elle vivre et/ou survivre après cet évènement ? D’autant qu’Aaron demande avec sa malice habituelle, parfois cruelle, certaines choses très particulières à ses amis dans son testament. Leurs liens vont-ils résister à cette épreuve ?

Pour être honnête avec vous, j’ai eu un peu de mal avec le début de ce roman… un peu de mal à rentrer dans l’histoire, et peut-être aussi à m’habituer à cette écriture assez poétique par moment et entremêlée de Maori et de Samoan. Et puis sans que je m’en rende vraiment compte, j’ai été happée par l’histoire, les personnages, par la Nouvelle-Zélande et surtout Samoa, et j’ai beaucoup aimé. Découverte de ce coin du Pacifique, de cette culture « différente », touchante, émouvante… Joli moment de lecture… sauf peut-être la fin qui m’a laissé un peu sur ma faim. L’auteur nous laisse terminer à notre guise…. Et ça, j’aime très moyennement.

Si vous avez le goût de la découverte, de la curiosité et de l’humain, tentez l’aventure du Pacifique et découvrez « Ces liens que l’on brise ».

 

 

 

« Mere applaudit tandis que les autres riaient tout en applaudissant aussi. Daniel tout heureux faillit fondre en larmes.

– Kia mau ! (Maori : Soyez forts !) lança Aaron, qui avait enlevé son tee-shirt et s’avançait maintenant vers le devant de l’escadron.

Suivant son commandement, le groupe s’était mis en position pour faire le haka.

– Ka mate ! Ka mate ! (Maori : Je meurs, c’est la mort) lança Aaron pour commencer, frappant le sol de ses pieds, et l’escadron fit de même.

Immédiatement l’été se mit en branle, oscillant, tapant des pieds en suivant leur rythme. Keith s’y mit aussi et, à la plus grande surprise et à la plus grande joie de tous, Lemu enleva sa chemise et s’avança en direction des guerriers. Avant de s’en rendre compte, Daniel s’était glissé derrière son père, et s’était totalement immergé dans la célébration enflammée du triomphe de Te Rauparaha sur la mort :

Ka mate ! Ka mate !

Ka ora ! Ka ora ! (Maori : Je vis, c’est la vie !)

Ka mate ! Ka mate !

Ka ora ! Ka ora !

Un silence aussi puissant que le haka s’abattit sur eux dès qu’ils eurent terminé ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Wendt-Ces-liens-que-lon-brise/1104736

 

 

 

« – T’es forte, dit Teva en anglais.

– Oui, très forte, répéta Ma’amusa.

– Oui, une dure à cuire ! ajouta-t-elle en riant.

Elle savait que ses cousines maîtrisaient assez bien l’anglais après quatre années passées à Samoa College où l’anglais était la langue utilisée en cours.

– T’as pas besoin de faire tout ça, dit Teva.

– Non, c’est du travail de Samoan, pas de Palagi (Samoan : variante du mot « Palangi », mot samoan pour désigner les gens d’origine européenne), précisa Ma’amusa.

– Je suis ni Palagi ni samoane ; je veux simplement apprendre, répliqua-t-elle.

Lorsque Teva s’esclaffa et que Ma’amusa l’imita, Laura fit de même et leurs rires sonores se répercutèrent au milieu de la fumée, dans le fale (Samoan : maison, case) et tout autour.

– Je ne sais même pas comment faire le feu, reconnut-elle.

– Mais il y a des plaques électriques dans la cuisine palagi de la maison, fit remarquer Teva.

– ça sert à quoi d’allumer un feu en Nouvelle-Zélande ? demanda Ma’amusa.

– C’est pas con c’que tu dis, répondit-elle, mais je veux seulement apprendre à faire du feu comme cela ».

 

 

 

« – Ça va papa ? demande Chéryl pour le sortir de ses méditations.

– Oui, il faut simplement que j’y réfléchisse.

– Que tu réfléchisses à quoi ?

– Au testament de ton petit malin d’oncle Aaron, répondit-il. C’est à moi de l’administrer et de faire en sorte que sa richesse, ses biens, soient répartis en fonction de ses volontés.

– Qu’est-ce qu’il y a dans ce testament, papa ?

– Désolé, mais je ne peux pas te le dire à toi ou à qui que ce soit d’autre, chérie. A part son notaire, je suis le seul autorisé à en connaître tous les termes.

Elle semble déçue.

– Tu sais que ton oncle était un gars très mystérieux… doté d’un singulier sens de l’humour et de la justice. Je pense qu’il me laisse dans la merde et, en ce moment précis, il prend plaisir à me regarder en train de tenter de ne pas m’y noyer ».

2 commentaires sur “Ces liens que l’on brise d’Albert Wendt

  1. francksbooks
    10 février 2019

    excellent ! Aussi bien le roman que la chronique !

    Aimé par 1 personne

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Cette entrée a été publiée le 8 février 2019 par dans découverte auteur, Masse critique Babélio, Mes lectures, roman, saga, et est taguée , , , , , , , .