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La porte du vent de Jean-Marc Souvira

« Rudy colla le 9 mm sur l’oreille droite du policier qui priait à voix basse, se concentrant sur le souffle du vent qui brassait les branches des arbres. Il voulait emporter avec lui le murmure de la nature plutôt que les âneries proférées par les tueurs. Il se remémora également une phrase de la Genèse : « C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. »

La détonation fut assourdissante. Des animaux détalèrent, d’autres s’envolèrent. »

Résumé éditeur :

Il ne faut pas sous-estimer le poids des traditions…

Pourquoi ces deux vieillards, venus l’un de Chine et l’autre d’Israël, ont-ils décidé de se recueillir ensemble sur cette mystérieuse tombe chinoise d’un cimetière militaire picard de la Première Guerre mondiale ? Pour le commandant Dalmate, la présence de ces personnages sur le territoire national n’augure rien de bon. En effet, ils sont, chacun dans leur pays, à la tête d’organisations criminelles dont les ramifications s’étendent jusqu’en France.

Or, depuis peu, les règlements de comptes entre ces communautés s’intensifient ; une escalade de violence qui semble échapper au contrôle des forces de l’ordre. Mais le monde ne date pas d’aujourd’hui, et c’est peut-être dans le passé que se trouvent les réponses capables d’apaiser les esprits. Dans des amitiés nées il y a bien longtemps, au cœur des tranchées…

Ce roman est une œuvre de fiction qui s’inspire de faits réels.

592 pages – 5/1/2023

« Le policier avait tout de suite compris l’issue du passage à tabac. La mort. Sinon les mecs auraient mis des cagoules, l’auraient massacré et jeté dans une quelconque ruelle. Vivant. Amoché, mais vivant. Ni vu ni connu. Tandis que là, ils opéraient à visage découvert sans précautions. »

Mon avis

Découverte de l’auteur avec ce roman au nom énigmatique et poétique « La porte du vent » (La page de couverture également d’ailleurs). Même si cette histoire recèle parfois d’instants poétiques pétris d’humanité, cela reste néanmoins un livre fort et violent. Le roman démarre comme un policier classique. Des meurtres éclatent à Paris entre deux bandes mafieuses qui s’avèrent être des règlements de compte. Ces deux bandes travaillent pourtant ensemble depuis très longtemps. En effet, les Chinois dominés par le clan de Shen Li et les familles juives dirigées par la famille Nathan trafiquent ensemble, les uns blanchissant l’argent sale des autres. Les deux chefs de clans, Albert Nathan et Shen Li, sont des sages expérimentés. Ils mènent très bien leurs barques, évitant habilement les policiers et les tribunaux. Ils se font beaucoup d’argent mais ne trempent pas dans la drogue, synonyme de violence et de prison. Mais les jeunes générations n’ont pas leur pondération et leur intelligence, ce qui finit par déclencher les hostilités avec sa cohorte de vengeance et de haine. Et de bêtise aussi. Le commandant Paul Dalmate est chargé avec son équipe de cette affaire complexe. Il ne s’imagine d’ailleurs pas à quel point cette histoire a des ramifications insoupçonnées, ancrées dans le passé. Commence alors la deuxième partie du livre (il y en a trois) et on bascule dans un tout autre roman. Nous voilà plongés dans un premier temps en Chine où un jeune médecin, Zhang, a des ennuis, -le mot est faible- le chef hargneux et cruel des Loups blancs, bande de pilleurs et d’assassins, veut le tuer. Zhang, homme doux et bon, est sauvé in extrémis par deux jeunes Chinois, Sun Hao et Shen Li. C’est le début d’une amitié entre ces trois hommes et d’un périple qui va les conduire en France, en pleine Première Guerre mondiale, en 1916. J’ai appris par ce livre que durant ce conflit, la France et les Anglais avaient fait venir des Chinois pour travailler dans des conditions épouvantables dans les ports pour décharger les armes, dans les tranchées pour les réparer etc. Cette fuite en France en pleine guerre va être très difficile pour les trois hommes mais sauvera la vie de Zhang bien que les Loups blancs l’aient suivi jusque dans les tranchées. Histoire d’hommes, de fraternité, de souffrance, de sang, de guerre, de religion partagée… J’avoue que je ne m’attendais pas du tout à être propulsée en pleine Première Guerre mondiale avec ses tranchées, ses Poilus et ses conditions inhumaines, je vous épargne les détails… J’ai vraiment eu l’impression de lire un autre roman d’un autre auteur, même si certains noms faisaient écho avec ceux de la première partie. Cette deuxième partie est particulièrement puissante, forte en émotion, terrible tout en ayant parfois une certaine beauté et des moments d’humanité intense. Puis vient la troisième partie où l’on rebascule de nos jours avec le commandant Dalmate et son enquête qui avance tout en piétinant car les cadavres et les interrogations s’accumulent. Deux patriarches redoutés et respectés, l’un Chinois et l’autre Juif, viennent d’Israël et de Chine pour tenter d’arrêter les règlements de compte, restaurer la paix entre les deux communautés en révélant à certains l’origine de leur entente. Est-ce que cela sera suffisant ? A vous de le découvrir en lisant ce pavé de près de 600 pages que j’ai trouvé un peu long pour ma part mais d’une puissance extraordinaire. J’ai beaucoup appris en lisant « La porte du vent » et certains personnages vont m’accompagner longtemps, en particulier Zhang.

« Paul Dalmate fit le tour de la Mercedes, observa le nombre de douilles éjectées au sol, perplexe. Un de ses collègues lui avait rapporté, deux ou trois jours auparavant, une vague rumeur concernant un contrat posé sur un membre de la famille Nathan par des Chinois. Le policier n’avait pas accordé de crédit à ce tuyau, connaissant les relations apaisées entre les deux communautés qui travaillaient, en osmose, dans les escroqueries d’envergure et le blanchiment de fraude fiscale. »

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Souvira-La-porte-du-vent/1472372

Note sur Babélio : 4,49/5 (98 notes) – Ma note : 4,5/5

« Le principe de Shen Li était simple : ne pas montrer inutilement sa fortune, rester humble, ne jamais attirer l’attention. Surtout des services fiscaux et de la police.

En fait, le mot « clan » était faible pour désigner l’empire de M. Shen. Les policiers, Paul Dalmate en tête, employaient davantage les termes de criminalité organisée, de mafia, de famille, ce qui correspondait parfaitement à la réalité. Paul Dalmate utilisait le même vocabulaire pour évoquer Albert Nathan et ses activités. En tout cas, nombreux étaient ceux qui bénéficiaient à la fois de la protection, des conseils et des prêts du très craint et très respecté, M. Shen Li. »

L’auteur : Jean-Marc Souvira

Jean-Marc Souvira est un écrivain français né à Oran le 29 octobre 1954. Commissaire divisionnaire, au sein de la Police judiciaire pendant plus de trente ans, il a notamment dirigé l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), puis l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF). Il est actuellement en poste à la Direction de la Coopération Internationale.

« Chacun de son côté, M. Sun et M. Shen pensaient « Hong Kong » ou « la compagnie ». Un raccourci pour ne pas nommer la triade à laquelle ils appartenaient, la 14K, une des mafias chinoises les plus puissantes dans le monde du crime organisé. Aucun ne souhaitait voir débarquer ses représentants, ce qui signifierait des désagréments ultimes pour tous. »

« Le patriarche venait de trouver les mots qui lui brûlaient les lèvres, mais qui résumaient toute sa vie et qu’il arriva, pour la première fois, à prononcer à mi-voix pour lui-même : « Le fonctionnement mafieux de son clan… » Oui, son clan fonctionnait comme une véritable mafia. Une partie des sommes gigantesques qu’il drainait prenait indirectement le chemin d’Israël grâce au mécanisme de blanchiment élaboré par les Chinois. Cela contribuait à acheter la tranquillité et la protection d’Albert Nathan quand il passait les deux mois d’été dans sa superbe villa proche de Tel-Aviv où il donnait des fêtes somptueuses. Là-bas, le gotha politique, artistique, policier, judiciaire, bref, tous ceux qui comptaient en Israël et qui lui serviraient de paratonnerre en cas de difficultés, intriguaient pour figurer sur sa très prisée liste V.I.P. »

« Albert Nathan découvrait aujourd’hui son fils. Il abaissa légèrement ses lunettes, son regard passa au-dessus des montures et il ne put s’empêcher de dévisager l’homme qui se tenait face à lui.

Oui, Yohan était différent d’eux, mais rien de surprenant à cela puisqu’il évoluait dans un autre pays où il y réussissait des études supérieures. Il possédait une intelligence vive, un recul sur les choses, une retenue que ni ses autres fils ni lui ne détenaient, mais qui présentaient bien des avantages. Pourtant, il percevait dans le comportement et la voix de Yohan tout le ressentiment qu’il nourrissait d’avoir été éloigné de la famille si jeune. »

« – Mon ami, quand nous quitterons la France, nos deux communautés devront recommencer à vivre en paix. Je te propose que nous emmenions les responsables du désordre sur le lieu où tout a débuté.

– Exactement ce que j’allais te proposer ! Albert Nathan et Shen Li sont morts, et je le regrette sincèrement. J’aurais préféré m’appuyer sur eux pour régler ce conflit plutôt que sur la nouvelle génération qui veut s’affranchir de nos codes et qui ignore notre histoire. Les racines de la violence y sont profondément ancrées. »

« – Zhang sera sans doute le plus grand médecin de son temps. Il a accumulé une somme de connaissances gigantesque, et continue d’apprendre. Mais ce n’est pas tout. Il est en symbiose avec la nature et les animaux. Il a aussi quelque chose de très étonnant, d’étrange, de dérangeant que je résumerai en disant : « Il voit. » Pour toutes ces raisons, votre fils doit vivre.

Le père se ravisa alors et livra la seule information qu’il possédait :

– Je sais simplement que Zhang a pris la direction de l’est.

– Très bien. Les deux hommes qui m’accompagnent vont partir dans cette direction. Ils sauront quoi faire. »

« Un officier de l’état-major fit remarquer que les Anglais, dans le nord de la France, manquaient de main-d’œuvre pour leur logistique. Après avoir perdu soixante mille hommes en une seule journée, le 1er juillet 1916, et quatre cent mille depuis le début de leur engagement, ils accéléraient la cadence pour débarquer recrues et matériel dans le port de Boulogne-sur-Mer, site stratégique pour leur armée. La centaine de Chinois corvéables à merci leur serait fort utile et leur permettrait de tenir jusqu’à ce que leurs propres travailleurs recrutés en Chine les rejoignent. « Il sera temps ensuite d’affecter nos Chinois ailleurs », dit-il, satisfait de sa brillante idée. »

« – Comment s’appelle cette prière du soir ?

– Ma’ariv. Vous connaissez ?

– Oui, je connais. Quelle est votre religion, Zhang ?

– C’est la religion juive, celle de ma communauté de la ville de Kaifeng.

David Fleisher hochait la tête, ébahi. Des dizaines de questions se télescopaient dans sa tête, incapable d’en formuler une seule.

– Suivez-moi dans mon bureau, lança-t-il finalement. Prenez votre livre, je souhaiterais m’entretenir avec vous.

Zhang enleva sa kippa noire, que le Français ne remarqua qu’à cet instant, la rangea et obéit. Lorsqu’ils furent tous les deux, le sergent rechargea sa pipe, l’alluma. Ce petit rituel facilita sa réflexion.

– J’ignorais qu’il y avait des juifs chinois. Parlez-moi de votre religion. »

« Zhang acquiesça, touché, et reprit :

– David, ce n’est pas moi qui vous ai rassemblés, c’est la guerre. Oui je suis juif et chinois et j’ai appris de nos deux civilisations. Mais nous avons tous, ici, en commun l’espoir. L’espoir, pour les cent quarante mille Chinois qui ont été recrutés, de permettre à la Chine de gagner en rayonnement. Pour les Juifs, d’être considérés comme des patriotes dans leur propre pays. Et pour les Noirs américains, d’être respectés autant que les Blancs quand vous rentrerez au pays. Tous les morts se valent. »

Ma lecture actuelle

2 commentaires sur “La porte du vent de Jean-Marc Souvira

  1. J’ai adoré ce bouquin, j’y est appris aussi beaucoup de chose sur la 1er guerre mondiale. Et oui les personnage sont marquants

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  2. Pingback: Jean-Marc Souvira – La porte du vent | Sin City

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