Des forêts et des âmes de Elena Piacentin

« Juliette déposa ses valises à Wissemberg, dans le cœur du massif des Vosges, au début du printemps. La forêt lui apparut pleine et capiteuse, palpitante d’une sève qu’elle se surprit à humer à pleins poumons, elle, la citadine convaincue. Dans ce bouillonnement vert, les taches rouges des jeunes feuilles d’érables sycomores dessinaient des soleils mourants et des constellations de braise. La jeune fille ressentit d’emblée la puissance vitale et sans âge qui s’en dégageait.

Et cela lui fit comme un feu dans le ventre ».

Résumé éditeur :

À la PJ de Lille, la consternation s’est emparée de la section homicide. La discrète et cyber talentueuse Aglaé (Fée pour les intimes) lutte entre la vie et la mort, victime d’un chauffard en fuite. Accident ? Le commandant Leoni et son équipe doutent… car le passé de la jeune flic leur révèle plus d’une zone d’ombre. Pourquoi ce soudain intérêt pour une sombre clinique nichée dans la forêt vosgienne, dont trois jeunes pensionnaires se sont récemment échappés ? Sous les noires frondaisons, Leoni saura-t-il reconnaître le murmure des âmes perdues ?

« L’industrie pharmaceutique est sur le banc des accusés. À ses côtés, la cupidité, la lâcheté font bonne figure. À lire d’urgence. » Marie Claire

« La liste inventorie l’ensemble des difficultés et des douleurs adolescentes comme autant de symptômes à charge appelant une réponse thérapeutique. Les portes qui mènent à l’âge adulte sont grandes ouvertes sur la maladie. Dans un contexte de crise et d’austérité, le marché est prometteur. Il se gonfle d’espoirs amputés et d’avenirs morts-nés.

Les actionnaires qui congratulent Marchal à l’issue de son discours affichent un optimisme de circonstance ».

Décidément c’est un réel plaisir de replonger à chaque fois dans l’univers de Elena Piacentini avec son commandant corse, Pierre-Arsène Léoni exilé à Lille et toute son équipe tellement attachante, tout comme sa mémé Angèle qui l’a élevé et qui continue avec son arrière-petite-fille. Vraiment j’aime cet univers, et comme les intrigues et les enquêtes sont bien menées et souvent intelligentes, j’apprécie au plus haut point. Ici, il est question du domaine médical et plus particulièrement pharmaceutique et ses combines pour gagner toujours plus d’argent, au mépris de la santé des patients, ici des jeunes mal dans leur peau. D’ailleurs, je vous conseille vivement de lire à la suite du polar, le propos de l’auteure qui donne une synthèse de la situation actuelle dans cet univers impitoyable, cupide et particulièrement mercantile qui a servi de trame à sa fiction (les médiator et consorts!).

Bref, j’ai aimé cette lecture et je ne peux que vous en conseiller cette nouvelle aventure de Pierre-Arsène Léoni (j’adore ce prénom improbable).

« Sur le seuil faisant face au jardin, une vieille dame coiffée d’un chignon à l’ancienne, tablier de cuisine sanglé aux hanches, apparut en agitant un téléphone portable à bout de bras.

Mémé Angèle et un smartphone.

La combinaison des deux créa une distorsion temporelle qui fit naître un franc sourire sur le visage mat et anguleux du Corse.

– Ton truc, là, il n’arrête pas de siffler depuis un quart d’heure et il me casse les poches !

– Tu n’as qu’à l’éteindre, mémé, il suffit de…

– Est-ce que je te demande, moi, si tu sais conduire une navette spatiale ? Non ! Alors, descends de ton arbre et viens l’éteindre toi-même !

Avant de refermer la porte, sur un ton radouci, elle le mit en garde :

– Et fais attention à ne pas tomber de l’arbre, u mio figliolu ».

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Piacentini-Des-forets-et-des-ames/625042

« La phrase que Mémé Angèle avait coutume de lui servir, l’œil réprobateur et la main sur la hanche, lorsqu’il tentait de l’entourlouper pour couvrir une bêtise lui revint en mémoire. A bucia t’hà l’anche corte : le mensonge a les jambes trop courtes ».

« Au travers de la corolle de verre, elle l’observa, sombre, taiseux et tourmenté, se débattre avec ces mots qui ne réussissaient pas à franchir la barrière de ses lèvres. Attendrissant. Comme peuvent l’être parfois ces animaux sauvages et blessés, dont chaque muscle tremble sous la main qui les soigne. Elle glissa une caresse légère sur la joue râpeuse du Corse.

– Je l’adore aussi. D’ailleurs, comment t’aimer sans l’aimer, elle ? Et puis je suppose que tu vas avoir besoin d’aide pour faire le tri dans la partie des documents que tu as ramenés.

– C’est pas de refus ! Et je préfère te prévenir : ça s’annonce fastidieux.

– Ne te réjouis pas trop vite. Je me paierai en nature quand on aura fini, beau brun.

– Je me fais toujours un devoir de rembourser mes dettes. Là, ce sera un plaisir ».

« – Non, non, non. C’est vous qui allez m’écouter. Et très attentivement, cette fois. Il y a un commandant de la PJ de Lille qui est dans votre secteur pour enquêter suite à une tentative d’homicide sur l’un de nos agents. Il a besoin de ces renseignements au plus vite. Alors vous allez prendre une grande inspiration et me donner tous les numéros de téléphone qui pourraient lui être utiles. Et si je ne les ai pas dans la seconde, là, maintenant, je vous garantis que vous aurez de bonnes raisons d’être désolé.

Sa langue coincée entre ses lèvres gourmandes, Baudoin nota les deux 06 que le standardiste lui transmit en chevrotant, ému et effrayé de transgresser, sous la menace, une consigne pourtant explicite de sa hiérarchie.

Ça va aller mon p’tit gars, la désobéissance, c’est le dépucelage de l’intelligence. Tu t’en remettras, va… Peut-être même bien qu’un jour tu me remercieras pour cette première fois ».