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Aux vents mauvais d’Elena Piacentini

 

 

« À l’évocation du couteau au manche incrusté de nacre, le fantôme de son coeur de neuf ans cogne dans sa poitrine d’homme. Jean-Toussaint se sent coupable. Coupable d’avoir abrité un désir trop grand pour lui. Un désir qui l’a calciné en dedans, dispersé par-delà l’océan et dont la rémanence le brûle encore. Samuel a beau lui répéter que, couteau ou pas, son avenir était scellé et planifié en haut lieu, Jean-Toussaint n’en démord pas. Il est seul coupable. Coupable d’avoir butiné centimes et demi-francs durant des mois dans le porte-monnaie de Mamilouise. Coupable d’avoir déserté la classe de madame Lambert pour les champs de canne à sucre et de chouchous dans le but de grossir son pactole. Coupable de s’être battu en pirate pour jouir de ce trésor si chèrement acquis ».

 

 

Résumé éditeur :

Dans les caves d’une maison en démolition, la découverte d’un corps en position de gisant permet à Leoni de rouvrir un dossier de disparition. Non loin de Lille, les germes de la haine ont pris racine et tant pis pour l’illusion d’une campagne paisible. Le Corse est aspiré dans cette enquête avec le sentiment de perdre le contrôle des événements. Il n’est pas le seul, le lieutenant Thierry Muissen vacille et les destins des uns et des autres tourbillonnent, brassés entre passé et présent, à la merci d’un souffle puissant comme celui qui arracha Jean-Toussaint à sa terre et aux bras de Mamilouise pour le précipiter dans ceux de Marie-Eve. Que restera-t-il d’eux quand le rugissement des vents mauvais se sera tu ?

 

 

« – Commandant Leoni, DIPJ. Je peux savoir ce qui se passe ici ?

La question s’adressait autant à Muissen qu’à l’inconnu toujours immobilisé. Thierry shoota dans un monticule de gravats.

– Ce sombre con estime que la mort d’une pute ou d’une camée ne justifie pas qu’on retarde son chantier, cracha-t-il la bouche tordue sous l’effet d’une rage à peine contenue ».

 

 

Merci Elena Piacentini pour votre écriture, et surtout votre humanité. Plus je lis cette auteure, plus je l’apprécie. Je vous ai déjà parlé de ce commandant corse, Pierre-Arsène Léoni. Au fil des tomes, l’auteure fouille et approfondit sa personnalité ainsi que celle des gens qui l’entourent… sa famille, ah Mémé Angèle !, et son équipe de flics, chacun avec une histoire, tous très attachants, … et puis au fil des enquêtes, on rencontre d’autres personnes, souvent cabossées par la vie, mais souvent avec une belle âme. Et là avec « Aux vents mauvais », on atteint des sommets ! Les intrigues, comme toujours, bien menées, intéressantes…. particulièrement intéressantes car souvent, ou plutôt toujours, basées sur des faits réels, de société, scandaleux et qu’Elena Piacentini dénonce au travers de ses romans policiers. Ça j’aime beaucoup. Ici, le scandale de la la déportation d’enfants réunionnais vers la métropole de 1966 à 1982.

« De 1963 à 1982, au moins 2 150 enfants réunionnais « abandonnés ou non » et immatriculés de force par les autorités françaises à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, furent déplacés par les autorités dans le but de repeupler les départements métropolitains victimes de l’exode rural comme la Creuse, le Tarn, le Gers, la Lozère, les Pyrénées-Orientales. Ce déplacement d’enfants fut organisé sous l’autorité de Michel Debré qui était à cette époque député de La Réunion ». Wikipédia.

Un vrai scandale, où l’humain et la dignité sont complètement niés.

J’ai lu avec beaucoup de plaisir encore cette enquête de Pierre-Arsène Léoni et je vous l’avoue, beaucoup d’émotion. Quelques larmes à la fin. Cela m’arrive rarement de pleurer en lisant un livre, mais là… Pierre-Arsène Léoni et Jean-Toussaint sont parvenus à m’émouvoir énormément. A lire absolument !! Excellent.

 

 

« Grégoire se releva et, d’un mouvement sec, éjecta son mégot incandescent en faisant naître une gerbe d’étincelles. Foutus chefs de mes deux, tiens ! Il crispa le poing droit et se caressait les premières phalanges avec un sourire mauvais quand la cloche de sa messagerie sonna le repli de ses batailles passées ou imaginaires. Baudoin l’informait que le commandant venait d’arriver.

Un sourire franc étira les lèvres fines de l’ancien militaire. Leoni, l’exception qui confirme la règle ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Piacentini-Aux-vents-mauvais/844022

 

 

« Colette Chabroux consulta sa montre. Dix heures zéro deux. D’après le schéma statistique élaboré sur l’échantillon significatif de vingt-sept années d’observation, soit mille quatre cent huit semaines pleines, la probabilité que le camion-poubelle remplisse son office passé cette heure était nulle. Sauf accident. Auquel cas, il lui faudrait intégrer de nouveaux paramètres. Voire envisager l’irruption du chaos dans sa modélisation de l’incompétence et de la gabegie. Sur son semainier, elle traça une croix en face du jeudi. Quatre fois depuis le début de l’année que la société chargée de la collecte des ordures séchait la tournée ».

 

 

« Cela tenait à de petits riens, d’infimes variations. La manière dont la porte claqua sans qu’il cherchât à la retenir. Le soupir au moment où il accrocha son blouson à la patère de l’entrée. La pesanteur de ses premiers pas sur les marches. Depuis son poste de guet en haut de l’escalier, mémé Angèle, le poing sur la ceinture de son tablier et les pieds en compas, fixait son petitfils avec une acuité inquiète et déjà soupçonneuse.

– Toi, on dirait bien que tu es contrarié !

Leoni rejoignit sa grand-mère sans un mot et l’embrassa sur la tempe en lui étreignant l’épaule.

– Mais non, mémé, juste une nouvelle affaire, rien de p… – Ne me raconte pas d’histoire à moi, hein ! »

 

 

« Thierry fixa son reflet dans le miroir. En plissant les yeux à demi, il lui était possible de faire apparaître la silhouette de sa mère. Il leva son verre. Le blondinet à la tignasse en broussaille répondit à sa propre invitation en tordant la bouche. Bon anniversaire, maman. Il était revenu au point de départ. Englué dans ce sentiment poisseux de n’être à sa place nulle part. Les muscles électrisés par une hargne qui n’avait pas pris un coquard. Cabossé de l’intérieur. À vif ».

 

 

« Il se sent si fatigué. Il a bien réfléchi après avoir refait son chemin à l’envers. Il est sûr de lui. Il ne veut pas avancer un pas de plus. Il ne veut pas revoir encore et encore mourir Mamilouise-d’ici. Il ne veut pas voir mourir Eulalie-d’ici. Il veut juste revoir Marie-Ève. Et les anges, ça habite dans le ciel. C’est là qu’il l’a rencontrée et c’est là qu’il va la retrouver. S’il est en avance, tant pis, il attendra. En haut, il y a déjà Mamilouised’ici. Il ne sera pas seul. Celle de là-bas, où qu’elle soit, il prie pour qu’elle ne l’ait pas oublié ».

 

 

« Faut dire que chaque fois que Samuel lui rend visite, il a au moins une idée derrière la tête. Jean-Toussaint trinque avec son ami. Il a mis des mois avant de le désigner ainsi. Ami. Que ce soit dans sa tête ou à voix haute, le mot était puceau. Tout neuf, encore dans son emballage d’origine, jamais servi ».

 

 

« Jean-Toussaint secoue la tête. C’est sûr que, des fois, Samuel lui court sur le haricot avec ses histoires de procès. Mais c’est aussi le type qui est venu manger sous la neige pour lui sauver la vie. Samuel, c’est son ami. Ce mot-là, il n’est pas près de l’user. La seule chose qui pourrait le fâcher venant de lui, c’est qu’il meure ».

 

 

« Pierre-Arsène, tout du long, il a serré les poings et les dents, ça avait l’air de le retourner cette histoire. Il lui a confié que lui aussi venait d’une île. Que lui aussi avait une Mamilouise qui s’appelle mémé Angèle, même qu’ils habitent ensemble. Jean-Toussaint n’en revient toujours pas. Un flic qui prend des gnons, qui pleure et qui habite avec sa mémé !

Pierre-Arsène lui a dit d’autres trucs que Jean-Toussaint n’oubliera pas de sitôt. « Je ne suis pas sûr que j’aurais eu votre force. Vous êtes resté un type bien, Jean-Toussaint. Mamilouise doit être fière. Elle a bien fait son travail. » Ces paroles, elles lui sont montées droit à l’âme ».

Un commentaire sur “Aux vents mauvais d’Elena Piacentini

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Cette entrée a été publiée le 25 février 2018 par dans mes auteurs préférés, mes coups de coeur, polar, policier, et est taguée , , , , , , , , , .