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La dictatrice de Diane Ducret

 

« La liberté n’est ni un état, ni un sentiment, encore moins un droit, elle est une respiration… »

 

 

Résumé éditeur :

Depuis des années, on entend grogner la révolte sur le Vieux Continent. Un sentiment de rejet généralisé, l’impression pour beaucoup d’avoir été débarqués du progrès. Quand soudain, un violent orage éclate. Une femme se lève parmi la foule.

Munich, novembre 2023, une manifestation populaire. Aurore Henri se saisit d’un pavé et le lance au visage d’un chef d’État. Derrière son regard bleu magnétique, une volonté d’acier, un espoir fou, guérir les hommes de leurs tendances destructrices, bâtir une société nouvelle où règnent la paix et l’harmonie.

Diane Ducret nous livre une vision infiniment romanesque d’un Occident qui sombre dans le chaos et trouve son nouveau guide en une femme aux motivations aussi secrètes que son ambition est démesurée.

 

512 pages – 22/1/2020

 

 

 

« Ils sont allés au bout. Les vingt-sept dirigeants viennent de décider du démantèlement de l’Union européenne, derrière les vitres blindées du Neues Rathaus de Munich. Ils n’ont pas eu pour cela à se perdre en d’interminables tractations, comme l’Angleterre et sa laborieuse tentative de sortie. Ce qui a été décidé par la volonté des États peut être défait par la seule volonté de ces mêmes États. Le plus terrible et le plus paradoxal pour l’Europe est qu’il a été plus aisé de faire sortir tous les États à la fois plutôt qu’un seul. Le droit prévoyait l’annihilation, mais pas l’amputation. Une simple réunion extraordinaire a suffi à défaire des liens que l’on pensait indéfectibles ».

 

 

Et encore une dystopie à l’ordre du jour… cela commence à faire beaucoup pour moi, car très intéressant mais pesant. Cependant, cela faisait un petit moment que je voulais lire cette dictatrice et bien voilà c’est fait. Très bien écrit, histoire foisonnante et assez terrifiante, bien construite et fondée au départ sur des faits actuels, la montée des nationalismes, le rejet de l’Europe, le dérèglement climatique, la montée du féminisme etc. Le récit démarre en 2023 avec le démembrement de la communauté européenne. Tous les états membres ont voté la dissolution de cette institution créée après la deuxième guerre mondiale pour établir et maintenir la paix en Europe. Le jour de l’annonce officielle de cette décision, une jeune fille, Aurore Henri, est présente lors d’une grande manifestation à Munich. Elle est tellement choquée par l’abandon de l’Union européenne et des discours haineux des politiques présents sur l’estrade qu’elle lance une pierre qui atteint à la tempe un des chefs d’Etat. Au milieu de la cohue, elle réussit à quitter les lieux et retourne à Paris dans son appartement où elle est arrêtée. Très rapidement, elle devient une icône de la révolte des citoyens européens et lors de son procès, elle captive les gens. Durant son emprisonnement, elle reçoit beaucoup de soutien sur les réseaux sociaux mais aussi un courrier énorme qui lui prouve que ses idées sont bonnes et valent la peine de se battre pour elles. Des années plus tard, lors de sa sortie de prison, elle découvre effarée un monde dévasté, appauvri, … Soutenue par des personnes riches qui croient en elle, Aurore Henri commence un tour d’Europe pour se faire une idée de la situation, aller au-devant du peuple et répandre sa bonne parole…. Peu à peu, elle finira par se faire élire chancelière de l’Europe Nouvelle, une société eunomique pour le bonheur du peuple mais qui est en fait une dictature très dure qui par bien des aspects fait penser aux nazis. Un récit glaçant qui montre que même les bons sentiments et les idéaux humanistes peuvent virer au cauchemar et se transformer en une société tyrannique et militaire. Le pouvoir modifie les gens, les isole. Récit à forte tendance féministe. Mais l’excès en tout mène à la folie. Cette lecture est troublante et captivante car de nombreuses idées développées sont justes et intéressantes. On se rend compte également avec ce roman que les traumatismes et les manques de l’enfance ont de nombreuses répercutions sur notre vie d’adulte. Aurore Henri en subira les effets. Nul n’y échappe même si on veut tout contrôler. Un très bon roman qui vaut le détour.

 

 

 

« Plus une seule place libre dans la salle d’audience ce 26 février 2024. Nombreux sont ceux venus assister au procès de celle que les journalistes ont baptisée « La main ». Elle évolue à pas lents, presque suspendus, dans le long couloir, vers le banc des accusés. Les photographes font cliqueter leurs appareils. Les sympathisants, portables en l’air, immortalisent l’instant.

Deux gouttes de sueur perlent du front de l’avocat commis d’office, un Bavarois baragouinant le français.

La cour prend place, Aurore Henri reste debout pour observer attentivement ceux qui lui font face. Enveloppée d’un pull sombre trop ample, ses cheveux disciplinés en chignon, on ne voit d’elle que son visage diaphane. Le juge fait retentir son marteau. L’instant d’avant elle ressemblait à un animal traqué, son regard, vif, perçant, polarise à présent l’attention ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Ducret-La-Dictatrice/1194342

 

 

 

« Les lois des hommes ne sont rien face à celles de la nature. L’hiver 2029 s’annonce comme le plus froid jamais enregistré dans l’hémisphère nord depuis trois cents ans. La Seine se fige de Paris jusqu’au Havre, tuant tout ce qu’elle abrite de vie. Des tourbillons de neige se forment dans les plaines arrachant les arbres, emportant les fermes, tuant le bétail en une nuit. Le territoire français est touché de plein fouet. Les oliviers de Provence, les vignes du Bordelais, les forêts de châtaigniers, les rizières de Camargue, les cultures du Nord-Pas-de-Calais, en quelques semaines tout périt. Le Rhône en dehors de son lit inonde sa vallée et gèle sur pied toutes les cultures. Le premier producteur de blé du continent s’effondre, condamnant ceux qui dépendent de ses champs.

Les céréales sont les premières à manquer, brisant la chaîne alimentaire tout entière. Les troupeaux tombent comme des fétus de paille, harassés par le froid, le manque de nourriture ».

 

 

 

« Le seul moment d’une vie où l’homme n’est jamais seul est celui de sa naissance. On peut mourir seul mais on naît à deux, mère et enfant liés dans un même cri. Aurore Henri s’était toujours imaginé être née seule. Sa mère biologique, en choisissant d’accoucher sous X et n’ayant laissé aucun élément pour être retrouvée, avait fait le choix de gommer cet événement de sa vie. Aurore avait déchiré seule la membrane l’entourant à la naissance, de son poing déjà rosi par la détermination. Elle s’étonnait d’ailleurs d’avoir un nombril, puisque personne n’y avait été attaché ».

 

 

 

« L’hiver venu, l’électricité vint à manquer. De l’Estonie jusqu’à la Roumanie, de l’Irlande jusqu’à l’Autriche, on ne pouvait plus se chauffer. Le monde moderne découvrait des affres dont il se pensait débarrassé. On tremblait de froid dans son foyer, on cherchait du bois pour faire chauffer un peu de lait. Partout on se mit à déboiser sauvagement les forêts, qui bientôt furent gardées par des miliciens demandant un « permis d’abattage » à ceux qui voulaient couper du bois, louant haches et scies pour maximiser leurs profits. À Paris, on vit des hommes attaquer les arbres du jardin du Luxembourg. Bientôt tous les parcs de la capitale eurent le ventre nu, la tête rasée ».

 

 

 

« Les dirigeants politiques s’exprimant contre la tenue du référendum de janvier sont suivis et photographiés dans les positions les plus compromettantes, et s’ils ont l’audace d’être probes, d’habiles graphistes concoctent des montages des plus parlants les montrant au bras de prostituées ou d’autres hommes. Quand bien même les photos n’ont aucune véracité, quoi de mieux que la rumeur pour triompher. Si elle est bien ficelée, d’un mensonge elle fait une vérité. Acculer un ennemi à devoir se justifier et nier, c’est déjà mettre dans sa bouche les mots du délit, l’entacher de l’encre indélébile du soupçon ».

 

 

 

« Son corps, à la suite du jeûne avec ceux qui n’avaient rien à manger, s’était affiné. Aurore Henri meut à présent ses extrémités avec la dextérité d’un chef d’orchestre, guidant sa parole comme une musique syncopée, captivant l’auditeur le plus discret. Il semble que la grâce habite à présent chacun de ses gestes. A chaque discours, la frêle ballerine se jette à corps perdu dans les mots avec passion, un chausson de soie couvrant son pied ensanglanté. La mèche blonde traversant ses cheveux est devenue blanche, comme la plume d’un cygne. Il y a du Tchaïkovski dans son allure. A la regarder entrer ce soir-là dans le salon d’Helen Bauer, Nicolas se demande si elle est un cygne blanc ou un cygne noir ».

 

 

 

« Sparte était la seule cité de Grèce dépourvue de murailles et pourtant jamais conquise. Aucune armée étrangère, plus de dix siècles durant, ne réussit à la prendre. Les Spartiates faisaient mur autour d’une idée qui les unissait et les rendait plus forts que la brique, l’eunomie. L’eunomie signifie la bonne législation, l’ordre bien réglé, l’équité, le juste équilibre, l’harmonie.

— Les problèmes de Sparte n’ont rien à voir avec ceux que nous vivons aujourd’hui.

— Sont-ils vraiment si différents ? Imagine un État fondé sur cet ordre bien réglé, cette harmonie. Plus d’aristocratie, plus de privilèges, l’équilibre parfait entre les citoyens, dotés des mêmes droits, éduqués dès leur plus jeune âge par la poésie et la philosophie, tournés vers le bien commun ».

 

 

 

« – Madame, c’est que beaucoup ont profité de ces heurts pour tenter de s’évader… Enfin, de quitter la zone de citoyenneté libre et eunomique de Nouvelle Europe.

Aurore se fige, comme sous le choc d’une nouvelle incompréhensible.

– Comment cela s’évader ? Pourquoi diable voudraient-ils s’évader du paradis de l’humanité ? »

 

 

 

« Les violences conjugales sont elles aussi redéfinies par le ministère de la Justice et incluent à présent « l’extrême jalousie et la possessivité, le dénigrement, les injures et les critiques constantes ». Au nom du principe de précaution, les hommes présumés coupables à la suite de la plainte d’une femme se voient expulsés sommairement de leur domicile, dépossédés et séparés de leurs enfants qu’ils ne pourront plus revoir avant leur majorité afin de ne pas corrompre leur esprit ».

 

 

 

« Les fortes têtes, les esprits résistant à la pensée harmonieuse et positive sont, en dernier recours, libérés de leurs troubles par une injection létale permettant, par le retrait de l’élément social perturbateur, de retrouver un équilibre dans le monde ».

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Cette entrée a été publiée le 8 juin 2020 par dans découverte auteur, dystopie, Livre, Mes lectures, roman noir, et est taguée , , , , , , , , .