La Breizh Brigade Tome 1 Bienvenue chez les Corrigan de Mo Malo

« Elles se dispersaient déjà toutes les quatre, chacune courant vers sa mission, quand Louise, Louise la discrète, Louise l’effacée, les retint d’un « Attendez ! » où transpirait une forme d’exaltation :

– Vous savez ce qu’on est en train de faire là ?

– Sauver les fesses de granny ?

– Oui, mais pas seulement. On ressuscite la Breizh Brigade, les filles !

Un sourire de passionaria biffait son beau visage. Il n’y avait qu’une vraie introvertie, pour s’enflammer de la sorte.

– La quoi ? couina Sophie, de plus en plus larguée.

– Oh non, pitié, se désola Énora, pas ce vieux machin… On a passé l’âge, non ?

– Parle pour toi ! cingla en retour Maggie, piquée au vif.

– Mais c’est quoi la Breizh machin ? »

Résumé éditeur :

Bienvenue au Manoir des Corrigan, maison d’hôte chaleureuse entretenue par trois générations de femmes hautes en couleur : Maggie Corrigan, facétieuse quasi-septuagénaire, Louise Corrigan, sa fille, institutrice de métier et mère de la jeune Énora Corrigan, aux allures d’« elfe rebelle » à en croire sa grand-mère. C’est ensemble qu’elles vont ressusciter la Breizh Brigade, une équipe d’enquêtrices hors du commun, autrefois formée pour résoudre un mystère familial…

Dans la maison d’hôte des ennemis de toujours, le Repaire des Corsaires, une jeune fille découvre avec effroi le corps sans vie de Paul Le Tohic, joueur de cornemuse virtuose du Briac Breizh Bagad. Les circonstances de sa mort écartent la possibilité d’un suicide. Qui a pu assassiner cet homme ? La police enquête, mais la Breizh Brigade est, elle aussi, sur le coup.

L’alliance délicieuse de trois générations de femmes aux caractères bien trempés, résolues à élucider le mystère d’un meurtre au cœur de Saint-Malo. Du cosy crime comme on aime : piqué d’humour et surprenant.

352 pages – 16/2/2023

« – Monsieur Le Tohic, tout va bien ? Des gros dormeurs, elle en avait connu plus d’un. La tranquillité de la campagne mêlée à l’air marin exerçait sur les voyageurs un pouvoir lénifiant des plus réparateurs. Il n’était pas rare de ne voir émerger certains que longtemps après l’heure du déjeuner, sautant non pas un mais deux repas.

« Ça, c’est la magie du Clos-Poulet, entre Saint-Malo et Cancale, le meilleur de la terre et de la mer réunies », vantait-elle les charmes de la région à sa clientèle. Mais le premier sonneur du Briac Breizh Bagad s’était montré on ne peut plus clair :

« Si vous ne me voyez pas au petit-déj’, n’hésitez pas à venir me secouer, on doit commencer notre dernière répétition avant midi. »

– Attention, je vais rentrer… prévint-elle, la main sur la poignée. J’espère que vous êtes présentable ?

Vu la nature grivoise du sexagénaire – la veille au soir, il l’avait complimentée de manière tout sauf #MeToo sur sa beauté de « déesse black », avant de préciser qu’il serait sans femme ni enfant durant tout son séjour sur place – la précaution oratoire s’imposait. »

Mo Malo, je le connais grâce à sa géniale série groenlandaise, avec le capitaine Qaanaaq Adriensen que j’ai littéralement adorée. Donc, sans trop me poser de question, je me suis précipitée sur sa nouvelle série « La Breizh Brigade ». Autre pays, autre ambiance. Vous l’aurez compris avec ce titre, direction la Bretagne. Et voici qu’avec ce premier tome, « Bienvenue chez les Corrigan », je découvre un nouveau genre, un nouveau terme (pour moi, hein ! car je pense que beaucoup connaisse déjà ! Mieux vaut tard que jamais comme on dit !) : le cosy crime. Comprenez par là des livres sans grande violence où l’enquête est menée par des amateurs. Ici, nous avons un trio de femmes : la matriarche Corrigan, Maggie, quasi septuagénaire (à un jour près !) de fort caractère, originaire d’Irlande et croqueuse d’hommes depuis que son Constant a disparu en mer il y a 20 ans – Louise, sa fille, dite Loulou, jolie jeune quadra introvertie, institutrice et divorcée mais néanmoins très proche d’Alain Le Divellec, frère de l’ennemi juré de Maggie, Guy Le Divellec et pour finir Enora, fille de Loulou et petite-fille de Granny (Maggie), jeune femme dynamique, malicieuse et de caractère (un trait familial) à la chevelure rousse flamboyante. Ces trois-là tiennent le Manoir des Corrigan, une malouinière qui fait office de maison d’hôte, proche de Saint-Malo. Un crime sordide va avoir lieu dans une autre maison d’hôte, le Repaire des Corsaires, tenue par l’ennemi de toujours, Guy Le Divellec, à quelques pas du Manoir des Corrigan. Le cadavre est découvert par Fanny, amie d’enfance et très proche d’Enora. C’est Paul Le Tohic, premier sonneur du Briac Breizh Bagad et accessoirement ancien amant de Maggie qui a été assassiné. Le clan Corrigan est impliqué indirectement dans ce crime. En effet, Maggie a revu son ancien amoureux, peu de temps avant son assassinat. Le trio va tout faire pour lui forger un alibi et trouver le vrai assassin en reformant la Breizh Brigade, sorte de cercle d’enquêtrices, que les Corrigan avaient créer il y a 20 ans pour résoudre le mystère de la disparition de Constant Corrigan, le patriarche. Ce premier tome qui installe les personnages qui vont devenir récurrent et les lieux est agréable à lire. De l’humour, du rythme et la Bretagne font un joli cocktail. On sent que l’auteur dont la famille est originaire de Saint-Malo a pris plaisir à rendre hommage à sa région et qu’il a aimé nous concocter un trio explosif de femmes attachantes. Néanmoins, personnellement, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé ce genre de livre. Au niveau de l’enquête, c’est bien fait mais assez prévisible et peu complexe. J’avoue préférer quand c’est un petit plus corsé et que ça amène plus de réflexion. Pas certaine de lire les autres tomes de la série… Mais pour les amateurs de cosy crime, c’est parfait, foncez ! Pour atténuer un peu ma conclusion, il me faut vous avouer que je sortais de la lecture du magnifique « Le chant d’Achille » de Madeline Miller qui m’a littéralement transportée ! C’était difficile pour n’importe quel livre de passer après un tel coup de cœur.

« Sa propre femme affichait certes dix ans de moins, mais aussi dix tonnes de plus. Le jeune septuagénaire mesurait sa chance de partager de temps à autre la couche d’une telle créature.

– Rassure-moi… Tu te souviens quand même que je ne m’appelle pas Ron ?

– Oh ça va, la ramène pas, reprit-elle, en bon français teinté d’accent anglais. C’était pas non plus si well done que ça !

– Charmant. Ce n’est pas ce que tu disais il y a…

– Allez, Jacques, shoo ! Fous-moi le camp avant que tout le monde se lève.

Déjà, elle était debout, silhouette impudique dans le cadre de la fenêtre, tellement femme et si peu vieille dame. Le visiteur s’exécuta en ronchonnant pour la forme, un œil rivé au fessier de sa maîtresse. Après tout, voilà plusieurs mois qu’il acceptait de bonne grâce le rôle de l’amant du placard. Il n’en était plus à un départ à l’aube près. »

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Mal-La-Breizh-brigade-tome-1–Bienvenue-chez-les-Corr/1462232

Note sur Babélio : 3,42/5 (48 notes) – Ma note : 3,5/5

« 7 juillet, Saint-Malo, Manoir des Corrigan, salle commune, 8 heures.

La canne à pommeau d’argent virevoltait dans l’air comme la baguette d’un chef d’orchestre enivré de Wagner. Autoritaire et énergique. Depuis vingt ans que Constant, son défunt mari, lui en avait fait cadeau, peu avant sa disparition, Maggie ne quittait plus cet objet, baromètre de ses humeurs et arme de ses plus homériques colères. En la circonstance, il lui servait à coordonner l’action des deux femmes qui s’affairaient à l’installation des tables du petit-déjeuner, dans la grande salle commune de la malouinière.

– Loulou, ils sont combien ce matin ? Tous les musiciens du bagad ont pris leurs quartiers ?

Loulou, c’était sa fille Louise, cette jolie quadra aux longs cheveux bruns nattés en tresse, occupée à disposer tasses et couverts avec autant de soin que si elle eût servi la reine d’Angleterre en personne. (…) Celle qui la reprenait ainsi, surgissant dans la pièce aux murs lambrissés de grands panneaux d’acajou, les bras chargés d’un immense plateau, n’était autre qu’Énora. Crinière d’un roux cuivré, éphélides en pagaille, yeux d’un bleu-vert profond et plusieurs tatouages dans le cou et sur les bras. Une sorte d’elfe révolté, en somme. Tout en continuant à rabrouer sa mère, la cadette des femmes Corrigan s’employait à débarrasser les ultimes reliefs des beuveries de la veille. »

L’auteur : Mo Malo

Sous le pseudonyme de Mo Malø, se cache Frédéric Mars, écrivain né en 1968 à Paris. Après avoir été journaliste et photographe, il s’est lancé dans une carrière d’écrivain. Outre ses romans, il a publié plus d’une quarantaine d’essais, documents et livres illustrés, sous diverses identités. Il vit en France. Sa série des enquêtes de Qaanaaq Adriensen a été traduite dans de nombreux pays et repérée par plusieurs prix littéraires : finaliste des Prix du meilleur polar des lecteurs de Points et du prestigieux Prix Michel Lebrun, lauréat du Prix Découverte des Mines Noires.

« Tu m’as parlé d’un mort… Qui est mort ? » finit par demander Énora, de sa voix la plus enveloppante.

Mais Fanny n’avait pas répondu que déjà déboulaient dans la pièce les deux autres femmes de la maisonnée. L’une affichait un air furibard, l’autre une mine désolée.

– Qu’est-ce que c’est que ce cirque ? s’enquit Maggie, sur son habituel ton rogue. Tu es venue faire fuir nos derniers clients, c’est ça ?! C’est ton patron qui t’envoie ?

Ce ne serait pas la première fois que Guy Le Divellec emploierait des méthodes contestables pour affaiblir la concurrence. Comme à l’époque où il avait acquis l’annexe Beauregard au nez et à la barbe de Constant, puis le petit bois séparant sa nouvelle propriété du Manoir des Corrigan. Un vrai filou doublé d’un entrepreneur dénué de scrupules, voilà qui était l’employeur de Fanny, le frère d’Alain et le beau-frère de Louise. »

« – Ben justement. Elle me fout les jetons, ta grand-mère. Déjà, elle me déteste.

– Elle ne te déteste pas. Elle vomit ton patron, ce n’est pas la même chose.

– Si tu le dis… De toute façon, je me voyais mal la confronter.

Elle n’était pas la seule. Hormis Énora, sa petite-fille adorée, rares étaient les gens extérieurs à leur clan assez fous pour tenir tête à Maggie Corrigan et à sa canne magique. D’aucuns prétendaient qu’elle savait s’en servir comme d’un sabre ou d’une masse, et pour une fois d’aucuns avaient raison. Chaque jour ou presque, elle s’exerçait à son maniement, dans la salle de jeu quand le temps était à la pluie, ou sinon dans les allées du parc. Un coup de pommeau d’argent bien placé pouvait tuer net un cheval ou même un bœuf, prétendait la presque septuagénaire à qui voulait l’entendre. Et à ceux qui se demandaient à quoi pouvait bien lui servir un tel art, elle expliquait qu’une femme qui aimait comme elle les hommes, de très nombreux hommes, n’était jamais assez armée pour assurer sa protection face à ces bestiaux. »

« – Oh, on se réveille ! s’emporta Énora. Je suis en train de vous dire qu’elle pourrait être inculpée pour un crime et vous vous jouez à Trivial Pursuit ?!

– Alors si maintenant c’est mal vu d’avoir un peu de culture… feignit de se froisser Maggie.

Énora leva ses yeux bleu-vert au ciel. Puis, assumant son rôle d’adulte parmi ses aînées, parfois aussi inconséquentes que deux gamines, elle enchaîna, pragmatique :

– Faut qu’on te goupille un putain d’alibi. Pas dans deux jours. Maintenant.

– Maintenant ?

– Oui ! Après ce que les deux autres lui ont cafté sur Yann Guesnet, Guilloux va forcément se pointer ici dans la foulée – je suis même surprise qu’il ne soit pas déjà sur notre dos. Et il va forcément demander à parler à la patronne.

– OK, OK, grogna la matriarche. »