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Norferville de Franck Thilliez

« – Vous savez, il y a un mot qui n’existe pas en innu. Un mot intraduisible.
– « Colonie » ?
– « Liberté ». C’était un concept qui n’avait pas lieu d’être chez ce peuple. Mes ancêtres ont toujours vécu dans un espace sans clôture, sans frontières. Ils ne parquaient pas les bêtes dans des enclos. »

Résumé éditeur :

Dans l’univers hostile du Grand Nord, personne ne vous entend crier.
Détective et criminologue à Lyon, Teddy Schaffran apprend que le corps de sa fille a été découvert dans une ville minière très isolée du Grand Nord québécois, Norferville. Morgane a été sauvagement mutilée, abandonnée dans la neige non loin d’une réserve autochtone. Sans réfléchir, Teddy plaque tout pour se rendre sur place, bien décidé à comprendre ce qui s’est passé.
Là-bas, Léonie Rock, une flic métisse, est mise sur l’affaire. Elle est alors contrainte de renouer avec cet endroit coupé de tout où elle est née et où, adolescente, trois inconnus l’ont violée. Un retour vers son enfer, alors que les températures frôlent les -20°C.
Ensemble, ces deux êtres éprouvés par la vie vont se démener pour trouver des réponses malgré l’inhospitalité de la nature et des hommes.

456 pages – 2/5/2024

« Je l’ai convoqué dans la foulé pour une déposition officielle, mais il ne s’est pas pointé, comme toujours avec eux…Eux…
Liotta était resté le même. Léonie était certaine qu’il l’avait fait exprès, histoire de lui signifier le peu de valeur qu’elle avait à ses yeux malgré son grade et son uniforme. »

Mon avis

Décidément cette petite ville minière perdue au milieu de nulle part, au milieu du Grand Nord canadien, accessible uniquement par le train quand il roule, inspire les écrivains. Car Norferville pour Franck Thilliez et Jasperville pour R. J. Ellory dans « Une saison pour les ombres » existe bien dans la vraie vie. Elle se nomme Schefferville en plein cœur de la péninsule du Labrador. J’espère de tout mon cœur pour les habitants que la vie à Schefferville est beaucoup mieux que ce que nous racontent ces écrivains… Cette ville qui dépend entièrement de la mine qui détruit la nature sauvage des lieux est un excellent décor pour des thrillers, surtout en hiver qui est là-bas glacial et long. A norferville, les Innus vivent misérablement dans une réserve accolée à la ville, sous la coupe de Blancs qui s’estiment supérieurs. La vie est difficile et dangereuse, surtout pour les filles et les femmes innues. La police est tout sauf une sécurité pour les Innus. Léonie Rock est née à Arforville. C’est une « pomme », rouge à l’extérieur et blanche à l’intérieur… Son père est un Blanc qui travaillait à la mine et sa mère une Innue. Après une enfance et une adolescence difficiles, Léonie est partie de Norferville à l’âge de 16 ans quelques mois après avoir été violée avec sa meilleure amie Maya. Elle pensait être définitivement sortie des griffes de cette ville malsaine où sont enfouis ses douloureux souvenirs. Devenue flic, lieutenante à la Sécurité du Québec (SQ) à Baie-Comeau, son chef qui ne l’apprécie guère l’envoie à Norferville pour une enquête criminelle. Une jeune femme, une Française, Morgane Schaffran, a été retrouvée atrocement mutilée sur la neige. Retour en enfer pour Léonie. Arrivée sur place, elle retrouve son passé, dont le sergent Liotta qui représente tout ce qu’elle hait dans cette ville. Mais petite satisfaction, il est sergent, elle est lieutenante. Il est donc sous ses ordres. L’enquête s’annonce difficile dans une ambiance tendue. Teddy Schaffran, le père de la victime, a sauté dans un avion dès qu’il a appris l’atroce nouvelle. Teddy est un ancien flic devenu détective, un psycho criminologue reconnu. Arrivé à Norferville, il n’aura de cesse de trouver celui qui a fait cette horreur à sa fille. Avec Léonie, ils vont s’épauler et tenter de comprendre les ramifications d’une enquête au cœur de légendes amérindiennes, le windigo, de réseaux de prostitution, de maltraitance des Innus, d’injustice, de souffrance. Tout cela dans un décor dantesque d’hiver dans le Grand Nord mais aussi avec une beauté à couper le souffle de la nature. « Norferville » n’est pas seulement un thriller haletant. Il porte aussi haut la voix de ces premières Nations bafouées, brutalisées, avilies. J’ai été très émue mais aussi choquée par ce qui se passe au Canada, même si ce n’est pas la première fois que je lis ce genre de chose. Mon cœur saigne pour les Amérindiens, moi qui aime tant le Canada et en particulier le Québec. « Norferville » est très bien écrit comme toujours avec Franck Thilliez, l’intrigue très forte avec un suspense prenant et des personnages ciselés. Je me suis beaucoup attachée à Léonie et à Teddy. Un très beau duo ! Bref, je ne peux que vous conseiller vivement cette lecture. Gros coup de cœur !

« Léonie Rock avait la malchance d’être métisse. Innue et blanche, mais surtout ni innue ni blanche. Maya était sa seule amie. Sans elle, Norferville serait plus froide, plus hostile. Maudites sauvagesses. »

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

Norferville de Franck Thilliez sur Babélio

Note sur Babélio : 4,17/5 (902 notes) – Ma note : 5/5

« À presque soixante ans, Liotta était toujours l’homme qu’il avait été. Un sergent qui n’était jamais monté en grade. Une masse dont l’uniforme accentuait la menace, et dont la présence ne pouvait que vous attirer des ennuis. Le temps avait blanchi ses sourcils, creusé ses joues et, semblait-il, encore aminci ses lèvres, si bien que sa bouche se perdait sous une fine moustache. Sa peau s’était épaissie, une croûte de cuir apte à résister aux températures extrêmes. Son regard, enfin, n’avait pas changé : du bleu iceberg de ces yeux-là émanait une forme d’énergie malsaine qui vous transperçait. »

L’auteur : Franck Thilliez

Franck Thilliez, né le 15 octobre 1973 à Annecy, est un écrivain français, auteur de romans policiers et de thrillers, également scénariste.
Originaire de Mazingarbe, petite ville entre Lens et Béthune dans le Pas-de-Calais, il étudie à l’Institut supérieur de l’électronique et du numérique (ISEN) de Lille afin de devenir ingénieur en nouvelles technologies. Il se lance dans l’écriture alors qu’il exerce ce métier.
Romancier, il est également scénariste et a coécrit, avec Nicolas Tackian, les dialogues du téléfilm intitulé « Alex Hugo, la mort et la belle vie » inspiré du roman américain « Death and the Good Life » de Richard Hugo, relocalisé en Provence pour l’adaptation à la télévision.
Après « Conscience animale », puis « Train d’enfer pour Ange rouge », son troisième roman « La Chambre des morts » est nommé au Prix SNCF du polar français 20075 puis adapté au cinéma la même année. Le succès rencontré depuis « La Chambre des morts », sorti en 2005, lui permet de cesser son travail d’informaticien à Sollac Dunkerque pour se consacrer exclusivement à l’écriture.
Il est classé en quatrième position dans la liste des auteurs de romans francophones ayant vendu le plus de livres en 2020 en France (741 835 ouvrages) selon l’institut d’études de marché GfK.

« Ils comptent extraire le minerai des fosses à ciel ouvert à l’aide de forages et de dynamitages. Puis ils assècheront un réseau de petits lacs reliés entre eux pour construire une seconde voie ferrée qui viendra s’embrancher sur celle de Tshiuetin, tout ça pour transférer plus de minerai à Sept-Iles et remplir des cargos pour la Chine. Plus, toujours plus. Éventrer, encore notre territoire. Faire fuir les derniers troupeaux de caribous. »

« Parce qu’elle était flic. Et « pomme », de surcroît : rouge dehors, blanche dedans. Elle cochait toutes les cases qui faisaient d’elle une ennemie. »

« Cette liste contient, pour l’instant, le nom de plus de mille deux cents Amérindiennes disparues ou assassinées au Canada sur les quarante dernières années, dans l’apathie politique et l’indifférence des médias les plus absolues… Une tragédie qui a même donné naissance à un hashtag sur Twitter : #MMIW, pour « Missing and Murdered Indigenous Women ». »

« – Vous êtes en train de m’orienter vers un chasseur de la réserve ?
– Ne cède pas, toi aussi, à la facilité. Les Blancs de Norfer chassent également. Mets-toi bien dans le crâne qu’un Innu préférera mourir de faim plutôt que de toucher à de la chair humaine.
À cet instant, il relâcha la pression et posa sa paume sur le chambranle.
– J’espère que tu retrouveras celui qui a commis ce massacre, conclut-il. Mais fais bien attention à toi, Léonie Kuekuatsheu. Là où il y a le gibier, il y a le chasseur. Le chasseur rôde. Reste sur les routes, ne t’aventure pas seule dans le Nitassinan. C’est dangereux. Très dangereux. »

« Un dicton dit qu’on a tous, ici, du sang indien. Si ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains. »

« L’histoire de ces peuples nomades, que la plupart des Canadiens ne connaissent pas, n’est qu’une profonde et douloureuse blessure…
Et cette blessure, elle la portait dans sa chair, Teddy le devinait. Gênée de s’être ainsi dévoilée, Léonie finit par lui adresser un timide sourire qu’il put déceler sous le masque qui protégeait son visage du froid : ses yeux se bridèrent légèrement.
– Si vous avez besoin de quoi que ce soit…, souffla-t-elle.
– Merci, Léonie. Ça va aller… »

« Derrière la fenêtre, la neige tombait à l’horizontale. Les flocons, comme des mini-torpilles, venaient heurter la tôle dans un crépitement incessant. Le cœur de la tempête se déployait, crachant ses millions de litres de glace au-dessus de leurs têtes. Il rendait l’air incolore, gommait toutes les nuances, les reliefs, empêchait quiconque aurait osé pointer le nez dehors d’ouvrir les yeux ou la bouche. Il était une mort blanche qui, en moins d’un quart d’heure, craquait le corps d’engelures et figeait le sang dans les artères. »

« Rien ne put lui faire oublier ces halètements de bête au-dessus de sa tête, ces odeurs de pisse, ces choses infectes qu’on lui fourrait dans la bouche tour à tour jusqu’à ce que, parfois, elle étouffe, crache et recommence. Chaque larme qui roulait sur ses joues était une brûlure intérieure, une partie d’elle qui se déchirait. »

« Teddy était fasciné par cette terre sauvage, il en percevait la beauté dangereuse, sans pitié, celle-là même qui avait failli l’emporter la veille. Et, surtout, il comprenait mieux pourquoi le mot « liberté », l’un des plus poétiques de la langue française, n’existait pas en innu. On ne pouvait définir ce qui était à la fois partout et nulle part. »

Ma lecture actuelle

5 commentaires sur “Norferville de Franck Thilliez

  1. Aïkà De Lire Délire
    28 juin 2024

    Hello Lilou 🌞 J’adore ta trouvaille :  » Un dicton dit qu’on a tous, ici, du sang indien. Si ce n’est pas dans les veines, c’est sur les mains.  » Pour moi qui ne lit que très peu de romans policiers, je dois t’avouer que je suis intéressée malgré tout par les thèmes des peuples autochtones. De plus, à mon avis Norferville est le succès fou du moment car on le voit partout ! En tout cas merci pour ta chronique qui m’inspire beaucoup 😀 Bonne journée et bon week-end à toi 😉

    Aimé par 1 personne

    • Lilou
      28 juin 2024

      Franchement il est très bon et très intéressant !! À découvrir vraiment… bon week-end et bonne lecture 😉🤗

      Aimé par 1 personne

  2. Pat0212
    28 juin 2024

    Je ll ai aussi adoré. Bonne journée

    Aimé par 1 personne

  3. Light And Smell
    28 juin 2024

    Rien qu’en te lisant, je suis révoltée par le sort réservé aux Innus et j’imagine la difficulté pour l’héroïne de revenir dans la ville de son enfance qui semble tout sauf accueillante.

    Aimé par 1 personne

    • Lilou
      28 juin 2024

      Oui c’est vraiment une honte ce qui se passe dans l’indifférence quasi générale !

      Aimé par 1 personne

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