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Cataractes de Sonja Delzongle

 

« Autour de lui s’est refermée une masse visqueuse et froide. Glacée. Un mélange d’eau et de boue. Les maisons ont disparu. Toutes. La sienne a sans doute subi le même sort. Seuls quelques toits en pierres plates et grises rappelant des écailles de tortue affleurent. Bientôt, ils seront recouverts eux aussi. Des vies avalées. Tout ne sera plus qu’histoire ancienne.

Zavoï englouti. Un village entier rayé de la carte en quelques heures ».

 

 

Résumé éditeur :

Il y a quarante ans, le petit Jan Kosta, trois ans, a été l’un des rares survivants de la terrible catastrophe de Zavoï. Lors d’un gigantesque glissement de terrain, ce village des Balkans a été littéralement englouti sous des torrents de boue. Sauvé par son chien qui l’a traîné, inconscient, hors de l’eau fangeuse, Jan a perdu toute sa famille.

Devenu hydrogéologue, Jan reçoit un coup de fil alarmé d’un ami ingénieur. Il se passe des choses étranges dans et autour de la centrale construite sur les flancs de la montagne de son enfance. Les gens ont des comportements imprévisibles, parfois violents. Les moines du monastère voisin ont tous disparu, et les bâtiments délaissés accueillent désormais un institut psychiatrique.

Vladimir demande à Jan de venir étudier les faits. Que le mal vienne de la centrale, de la montagne ou des hommes, si un nouveau drame est sur le point de se produire, seul un survivant de Zavoï aura une chance de pouvoir tout arrêter.

 

400 p.

 

 

 

« — C’est quoi, « survivants » ?

— Se grattant le menton sous sa toison, l’homme cherchait comment expliquer à un gosse ce qu’était mourir et survivre.

— Les survivants, c’est ceux qui sont pas morts, tu vois ? Ceux qui sont toujours en vie, comme toi et ton chien.

Alors que ces mots irréels le traversaient de part en part, Jan se tourna vers le lac dans lequel se fondaient des teintes rose et orangé, comme si elles bavaient du ciel. Une vision qui allait s’imprimer dans sa mémoire et l’accompagnerait toute sa vie. C’était donc là, au fond de cette masse liquide, que se trouvaient désormais sa maison, son village, ses copains, ses frères, ses sœurs ? Peut-être faisaient-ils partie de ces corps remontant à la surface, flottant comme des troncs. Ils seraient donc des morts, et lui et Hatsa, des « survivants » ? Une déduction bien compliquée pour le cerveau d’un si jeune gamin, qui se sentait tout aussi mort que ces corps dans la boue ».

 

 

 

Ayant été complètement happée et subjuguée par « Boréal » de Sonja Delzongle, j’avais très envie de lire son dernier livre, « Cataractes ». Univers différent bien sûr mais absolument la même efficacité pour nous embarquer dans son histoire, et également un vrai coup de claque littéraire, encore un gros gros coup de cœur ! Bravo Madame ! La nature et les éléments climatiques, tout comme dans « Boréal », ont une grande importance et font intégralement partie de l’histoire, de l’aventure. Ici, on se retrouve dans l’ex- Yougoslavie, un coin de Serbie, qui a beaucoup souffert des guerres fratricides qui ont déchiré le pays, mais qui avait connu également un drame, quelques décennies auparavant, l’anéantissement d’un village entier sous la boue et les eaux tombées de la montagne. Peu de survivants. Parmi ceux-ci un petit garçon qui a perdu sa famille, Jan Kosta, 3 ans. Sauvé in extrémis avec son chien, par deux hommes passés par là, qui le laissent finalement sur la berge car il les retarderait… Jan est trouvé par un homme étrange vivant en forêt, Djol. Ce dernier retrouve au bout de quelques semaines, les grands-parents maternels de Jan qui le recueillent et l’élèvent. Malgré ou bien à cause du drame qu’il a vécu, devenu adulte, Kosta est attiré par l’eau, et devient hydrogéologue. Avec son métier, il voyage dans le monde entier, sans jamais retourner sur ses terres natales, et s’est installé à Dubaï avec sa femme et sa petite fille Fojna. Des cauchemars récurrents d’enlisement sous terre qui s’étaient un peu atténués au fil des années, reprennent avec violence aux 3 ans de sa fille. Un ami serbe, Vladimir, qu’il n’a pas vu depuis de longues années, vient à Dubaï pour lui demander son aide, en tant qu’hydrogéologue, pour réaliser une expertise sur la centrale hydraulique qui a été construite il y a quelques années sur le lieu même du drame de Zavoï. Les sols semblent peu sûrs et si le barrage craque, c’est toute la vallée avec ses habitants qui seront ensevelis.

Contraint, Kosta revient donc sur les lieux mêmes où s’est noué le drame de sa vie, de sa famille. C’est douloureux pour lui, mais en même temps, nécessaire. A 40 ans, il est temps pour lui, de faire enfin le point sur tout cela pour aller de l’avant. Dans sa mission, il sera accompagné par une journaliste, Marija. Tout ne va pas se dérouler comme prévu. Des évènements étranges, violents vont se succéder ainsi que des rencontres insolites, émouvantes, éprouvantes. Pratiquement tous les personnages ont de multiples visages et l’intrigue réserve de nombreuses surprises. Et franchement jusqu’aux dernières lignes. Wahou la toute fin m’a encore prise de cours ! Bravo, j’adore ça. Une magnifique histoire humaine, malmenée par la vie, la guerre, les drames naturels très bien racontée par Sonja Delzongle. L’intrigue tient en haleine de bout en bout ! Bref, à découvrir de toute urgence.

 

 

 

« Dans la perspective de l’implantation de la centrale, le lac naturel qui s’était formé à l’issue du glissement de terrain a été asséché et remplacé par un lac artificiel. L’assèchement a mis au jour les restes du village, des maisons en ruine que les bulldozers ont rasées. De Zavoï, seul demeure l’écho douloureux du passé.

On dit que les nuits de pleine lune, on peut voir s’élever dans la brume, au-dessus de la surface de l’eau, les ruines du village, et qu’on entend les hurlements de ceux qui ont trouvé la mort dans la catastrophe. Les survivants n’y sont jamais retournés, mais ont mis toutes leurs forces dans la reconstruction d’un Novi Zavoï – Nouveau Zavoï – sur les hauteurs de la rivière Viso pour y commencer une nouvelle vie ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Delzongle-Cataractes/1114552

 

 

 

« Kosta s’est contenté de boire le sien accompagné d’une cigarette, sans interroger l’avenir. Juste sentir le goût de sa terre dans la bouche. Cela faisait si longtemps. Il a profité de cette intimité autour de la table pour parler à son ami du cauchemar qui l’habite depuis la tragédie de Zavoï. Sa réapparition pour les trois ans de Fjona, d’une régularité épuisante après des années de répit, qui correspond aussi à l’appel de la montagne. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, il en est persuadé. La montagne l’appelle en lui envoyant son messager. Ça, il ne le dit pas à Vladimir, qui ne comprendrait peut-être pas ce qu’il ressent vraiment et commencerait à douter de sa santé mentale à lui aussi ».

 

 

 

« Il est environ quatre heures trente lorsque le premier coup sur le capot les réveille en sursaut. Puis un deuxième, un troisième, et d’autres encore. Une grêle de projectiles. Avant qu’ils puissent réaliser ce qui se passe, la vitre arrière explose sous un choc encore plus violent. La pierre qui vient de briser le verre atterrit sur la banquette juste derrière Kosta.

— Le Land est pris pour cible ! s’écrie Marija en se retournant. Tu as vu la taille de cette pierre ?

— Il faut partir. Peut-être des gamins qui n’ont pas trouvé d’autre jeu, dit Jan sans y croire.

Ce jeu dangereux lui rappelle les sombres années où les voitures des Serbes qui se rendaient dans des villages un peu isolés au Kosovo étaient la cible de jets de pierres depuis les hauteurs bordant la route. Mais ils ne sont pas au Kosovo et la région n’a jamais été le théâtre de conflits de population ou interethniques. Lorsqu’il enclenche la première, les pneus patinent en hurlant sur un mélange d’eau, de terre et de cailloux, ne faisant que s’embourber davantage. En revanche, la pluie de projectiles semble avoir cessé. Kosta, connaissant ce type de terrain, préfère ne pas aggraver la situation et sort prudemment voir jusqu’où le 4 × 4 s’est enlisé ».

 

 

 

« De l’autre côté du lac, les résultats de l’autopsie du corps d’Ivan et du rottweiler de Douchko sont tombés. Terrifiants. Laissant les collègues et les proches du vigile sous le choc. Dans le bureau de la direction de la centrale, derrière ses lunettes, Vladimir lit et relit à voix haute au directeur le rapport qu’il vient de recevoir par fax.

— Il doit y avoir une erreur. Tout ceci dépasse l’entendement. Je vais appeler le légiste, dit enfin l’ingénieur après un long silence, en décrochant le téléphone.

Mais, en quelques mots, le médecin confirme l’impensable sur haut-parleur.

— Non, ce n’est pas une erreur. Les morsures dont ont été victimes le gardien et le rottweiler nommé Vlasko proviennent d’une denture humaine. Par ailleurs, les analyses ont bien détecté des traces de salive, également d’origine humaine ».

 

 

 

« Soudé à la terre, à cet instant, Kosta redevient le rescapé du torrent d’eau et de boue qu’il n’a jamais cessé d’être. Toutes ces années loin d’ici, son existence confortable à l’étranger, n’ont finalement rien effacé. Juste recouvert. Ses racines sont restées mêlées à celles de ces arbres…  »

Un commentaire sur “Cataractes de Sonja Delzongle

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