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San Perdido de David Zukerman

 

 

« Car il en va ainsi des légendes : elles sont chargées de mensonges plus vrais que la vérité, elles font sourire les sceptiques et applaudir les naïfs ».

 

 

Résumé éditeur :

Qu’est-ce qu’un héros, sinon un homme qui réalise un jour les rêves secrets de tout un peuple ?

Un matin de printemps, dans la décharge à ciel ouvert de San Perdido, petite ville côtière du Panama aussi impitoyable que colorée, apparaît un enfant noir aux yeux bleus. Un orphelin muet qui n’a pour seul talent apparent qu’une force singulière dans les mains.

Il va pourtant survivre et devenir une légende. Venu de nulle part, cet enfant mystérieux au regard magnétique endossera le rôle de justicier silencieux au service des femmes et des opprimés et deviendra le héros d’une population jusque-là oubliée de Dieu.

 

450 pages – 2/1/2019

 

 

 

« Ses yeux balaient l’horizon. Les silhouettes disséminées continuent de fouiller les ordures. Aussi loin qu’elle porte le regard, elle peut les voir : accroupies ou courbées, tirant et repoussant les sacs, déplaçant des cartons, des planches, des meubles brisés, triant les objets cassés, les vieux matelas éventrés. Plus bas, derrière les corps que la chaleur qui monte du sol fait trembler comme des mirages, elle voit la mer des Caraïbes scintiller et, sur ses reflets d’argent, les cargos glissent comme des jouets miniatures vers le canal de Panamá ».

 

 

Je n’avais jamais entendu parler de « San Perdido » de David Zukerman quand je l’ai vu dans une liste de livres à lire absolument proposé par un blogueur que je suis. Et allez savoir pourquoi, j’ai eu très envie de le lire. Et j’ai bien fait car j’ai beaucoup aimé cette lecture passionnante, humaine et colorée qui propose un voyage à Panama de 1946 à 1960. Panama, un pays d’Amérique centrale, chaud et chamarré comme peuvent l’être les Caraïbes. L’histoire se déroule à San Perdido, une ville située en bord de mer des Caraïbes, avec un port très animé, un quartier de riches et de puissants sur les hauteurs et en contrebas une décharge où survivent les pauvres, les laissés-pour-compte, dans le quartier de Lagrima. C’est ici que vit Felicia, une Ghanéenne assez âgée et qui n’a jamais eu d’enfant. Un jour, elle voit apparaître un jeune garçon noir aux yeux bleus intenses d’une dizaine d’années. Il s’installe non loin de la petite bicoque de Felicia, sans un mot. Il n’a rien, si ce n’est une très grande force dans ses énormes mains qui paraissent disproportionnées par rapport à son corps fluet. Entre eux deux naît une relation faite de respect, de petites attentions pleines d’amour et de silence. L’enfant est muet. Felicia va le surnommer « La langosta », surnom que chacun reprendra. Elle ne connaîtra son véritable nom, Yerbo, qu’une dizaine d’années plus tard quand il quittera la décharge. Yerbo a d’étranges pouvoirs que l’on va découvrir petit à petit au fil de la lecture. L’intrigue de ce roman est foisonnante avec de nombreux personnages plus ou moins importants dans l’histoire. On y croise par exemple Augusto, un garçon de Lagrima qui va peu à peu réussir à en partir ou Yumna une très belle jeune fille également originaire de Lagrima qui va grâce à sa beauté et son ambition démesurée devenir la maîtresse du gouverneur de San Perdido. Bien sûr, on fait la connaissance de ce Gouverneur, surnommé « Le taureau », de son conseiller Carlos Hiera, un homme sec et sans cœur, fin manipulateur mais aussi de Madame qui tient une maison close haut de gamme dont Hissa est la vedette. Je ne peux vous faire la liste de tous les personnages qui créent peu à peu la trame de ce roman attachant qui nous fait découvrir cette partie du monde où l’esclavage et les Cimarrons sont encore bien présents dans la vie et l’imaginaire des laissés-pour-compte. Yerbo grâce à ses dons et ses idéaux va devenir peu à peu une légende pour tous ces gens à qui il a tendu la main. Vraiment ne passez pas à côté de « San Perdido », premier roman de David Zukerman. Coup de cœur !

 

 

 

« Felicia n’est pas dupe. Elle sait que beaucoup ouvrent les sacs pour y trouver les médicaments qu’ils revendent dans les rues de San Perdido. Ce sont les « docteurs mobiles », comme ils se nomment eux-mêmes. Ainsi, les pauvres que le scorbut n’a pas édentés, que la faim ou la fièvre jaune n’ont pas tués, trouvent-ils dans les rues une chance de mourir en croyant se soigner ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Zukerman-San-Perdido/1098689

 

 

 

« Sur la décharge, on commence à s’interroger sur l’enfant muet aux yeux clairs. Efia a parlé à Félicia de la force de ses mains. Son fils Taji est, lui aussi, impressionné. Efia raconte à Felicia qu’ils l’ont tous deux regardé désosser un vieux frigidaire, morceau par morceau, s’aidant d’un couteau ébréché pour débloquer les vis qu’il retirait ensuite à la main. Ils l’ont vu compacter la porte après en avoir arraché la poignée, puis chaque partie de la caisse. Les pièces du frigidaire semblaient du carton entre ses doigts ».

 

 

 

« Il n’y a pas si longtemps, Port Sangre n’était qu’un petit port de pêche où commerçaient les Kunas et que les pirates avaient fréquenté jusqu’au XVIIIe siècle. Son histoire est encore empreinte de l’esclavage, des envahisseurs espagnols ou anglais, de la révolte des Cimarrons, de la contrebande et du marché noir ».

 

 

 

« Devant eux, s’étend la décharge publique qui coupe San Perdido en deux, comme une plaie humide et purulente. On dit que les pauvres l’ont placée là pour ne pas sentir la mauvaise odeur des riches qui vivent au-dessus d’eux ».

 

 

 

« Un beau sourire éclaire le visage de Yerbo. Aux coins de ses yeux, de petites rides dessinent des soleils. Une vague de chaleur monte dans la poitrine de Teo. Jusqu’à présent, le seul sourire qui le remplissait de joie était celui de sa mère, mais là, dans cette petite chambre réduite à l’essentiel, il sent la bienveillante complicité l’unir à cet homme ».

 

 

 

« Dans la maison de l’avenue Santa Clara, les jeunes filles mûrissent vite. Seule Madame semble rester identique à elle-même. Au milieu des juvéniles beautés qui l’entourent, loin de se faner, Madame demeure une fleur immortelle. Son visage, à la grâce ancienne d’une porcelaine glacée, aux traits lisses et réguliers, est encadré par une chevelure d’un noir profond aux reflets bleus. Elle est sanglée dans une robe fermée à col d’officier qui dessine sa silhouette élancée, épousant les lignes pures d’un corps harmonieux. Ses yeux bridés montrent une volonté tenace.

Nul ne songerait à la contredire ».

 

 

 

« Il la regarde attentivement. L’eau claire de ses yeux perce un instant la nuit, puis ses prunelles s’obscurcissent tandis qu’il absorbe les images qui stagnent sous les paupières de la jeune femme. Il aspire le brouillard de ses souvenirs, s’emplissant des mois écoulés, passant par le chemin de ses émotions dans lesquelles il peut à son tour voyager comme si elles étaient les siennes ».

 

 

 

« Augusto sait qu’il n’a pas le choix. Lorsqu’on vient du quartier le plus pauvre de San Perdido, on apprend en naissant que vivre demande beaucoup d’effort. La ville est sans pitié. Mais partir pour Colón, Panamá City, ou même en Colombie ou au Costa Rica ne changerait rien. Sur cet isthme qu’est l’Amérique centrale, enserré par deux immenses continents, on regarde le monde avec le point de vue d’un nain coincé entre deux géants ».

 

 

 

« Felicia lit L’histoire merveilleuse. Elle a ainsi l’impression de marcher sur les traces de sa Langosta. « De Yerbo », se corrige-t-elle aussitôt. Mais ce nom, qu’elle murmure parfois tout bas, résonne étrangement à ses oreilles, dessinant un autre homme que celui qu’elle connaît. Elle a passé neuf ans près de lui et il ne lui reste qu’une impression fugace. C’est un souffle, un fantôme qui s’est dissipé dans l’air de la décharge. La seule chose concrète qui demeure est la tristesse qui lui étreint le cœur en ce jour de juillet 1955.

Et le livre qu’elle tient dans ses mains ».

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