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Ce qui est enfoui de Julien Freu

« Il perçoit un mouvement, dans son dos. La peur et le froid compressent ses poumons. C’est avant tout une rumeur, un bruissement de feuilles mortes qui se précipite sur lui. Ben laisse libre cours à sa terreur. Il galope. Il serre les mâchoires. Son cartable est trop lourd. Il sent le cuir des lanières supplicier ses épaules. Quelqu’un court derrière lui. Ben n’arrive pas à se retourner. Il hurle. Il est projeté sur le bas-côté. Et puisque tout cela ressemble à un mauvais rêve, la nuit le dévore tout entier. »

Résumé éditeur :

Canton d’Estanville, automne 1990. Un collégien disparaît. Seuls ses vêtements parfaitement pliés sont retrouvés au milieu d’un sentier en pleine forêt. Le mystérieux “homme qui marche” serait-il lié à cette disparition ? Le capitaine Ernevin est dépêché sur les lieux pour mener l’enquête.

« Ce qui est enfoui » est un formidable roman d’apprentissage, entre « Stranger Things » et « Dark », mêlant intrigue policière, récit fantastique et chronique inquiétante et amusée des années 1990.

368 pages – Janvier 2023

« Ben avait fini sa journée par deux heures de sport, une matière inventée pour humilier les enfants comme lui. Il était de ceux qu’on ne choisissait que par défaut. Assis sur les gradins de bois, le ciel pressé contre les hautes fenêtres, il avait espéré qu’on veuille bien de lui. Les yeux rivés sur les lignes bleues, violettes et vertes du terrain de hand, Ben avait prié pour résulter d’un choix. Quand le capitaine de l’équipe A l’avait désigné, une joie sincère l’avait envahi. Il n’était pas le plus gros. Il n’était pas le plus naze. Il en restait deux qui attendaient encore. Ben ressentait du mépris pour eux en même temps qu’il les plaignait. »

Je ne connaissais pas du tout Julien Freu. Sans Elena Piacentini, une autrice que j’aime énormément, je serais peut-être passée à côté de son super roman « Ce qui est enfoui »… Oui mais voilà, Elena Piacentini en a parlé sur son compte Facebook en ces termes « J’ai adoré perdre le fil du temps et remonter celui de l’adolescence et des années 90 dans les pages de ce roman acidulé, subtil et réjouissant ». J’apprécie tellement l’écriture d’Elena Piacentini que je ne me suis pas posé de question, hop, j’ai lu « Ce qui est enfoui » et je ne le regrette pas. Effectivement, cette histoire étrange nous replonge dans les années 90 et le temps de l’adolescence, les personnages principaux étant un groupe de collégiens, une bande d’amis. Dans un petit village du Canton d’Estanville (on ne sait pas où cela se situe, mais proche du Piémont apparemment), deux jeunes garçons disparaissent de manière bizarre. Après leur disparition, on retrouve leurs vêtements bien pliés en pleine nature. L’émoi s’installe dans le village et le collège. Le capitaine Ernevin, papa d’Aurore, est appelé pour résoudre l’énigme et pour mener l’enquête. Sa fille se lie d’amitié avec Jérémy et ses deux amis, Guilhem et Dario. Ils deviennent inséparables. Jérémy est fou amoureux d’Aurore et ferait n’importe quoi pour la protéger. Tous passionnés et addicts de jeux de rôles, les amis mènent l’enquête pour résoudre les mystères qui s’accumulent dans leur canton : les fantômes, l’homme qui marche, la disparition de leurs camarades, des lueurs étranges au-dessus de la clairière des friches… Mais la vraie vie n’est pas celle des jeux, pourront-ils faire face à ces forces mystérieuses et malfaisantes. Les adultes seront-ils assez forts pour aider leurs enfants et les protéger. Cette histoire est plaisante à lire car elle nous replonge dans les années 90 avec humour et dans les affres et les joies de l’adolescence mais elle est aussi captivante et haletante car le mystère est dense et elle est parsemée d’étrange, à la limite de la science-fiction. Très agréable à découvrir. Joli moment de lecture.

« Le capitaine Claude Ernevin plisse les yeux dans la lumière rasante. Le froid mord son visage. Son regard est très noir, bien enfoncé dans les orbites. Il a sur les lèvres un rictus très léger, que ses interlocuteurs interprètent comme du mépris. S’il n’y avait ces signes d’un sentiment inconscient de supériorité, ce serait un homme au physique très banal. Taille moyenne, cheveux noirs coupés ras, visage ordinaire. Mais si vous vous teniez face à lui, alors sa posture, l’énergie de contrôle qu’il dégage vous inspireraient immédiatement le respect et la crainte. »

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Freu-Ce-qui-est-enfoui/1449463

Note sur Babélio : 3,75/5 (8 notes) – Ma note : 4/5

« Ce même jour, sa mère avait déposé Jérémie au collège. Devant l’entrée, en voiture. Là où tout le monde s’attend, où tout le monde se juge, l’un des lieux où se crée l’histoire du bahut. Les membres de la bande du garage étaient vautrés sur la selle de leurs mobylettes. Il était sorti de la voiture en trombe, et juste avant qu’il n’ait franchi l’enceinte, elle avait klaxonné. Son cœur s’était arrêté net.

– Tu as oublié de me faire un bisou ! avait-elle crié.

Jérémie s’était figé. Et parce qu’il aimait sa mère, malgré sa maladie, comme il aimait encore ce lapin, malgré son odeur de renfermé, il était allé l’embrasser. Ça avait signé son arrêt de mort.

– Putain merde, j’hallucine, avait dit Steve Larrimi, le chef de la bande du garage. Tout le monde avait compris qu’il s’agissait d’une sentence. Jérémie était bon pour “le supplice de la douche”. »

L’auteur : Julien Freu

Né en 1978, Julien Freu a traversé les années 1990 en écrivant des histoires. Il publiera plus tard son premier roman, « Delta » (Françoise Truffaut éditions, 2004), à l’âge de vingt-six ans. Un deuxième texte, « L’Héritage de Paul », paru en 2006 chez Alvik éditions, est le fruit d’une collaboration avec un scientifique de renommée internationale, William Rostène. Julien Freu travaille dans l’expertise d’objets d’art tout en se consacrant dès qu’il le peut à faire advenir des mondes, à créer des possibles. À écrire des romans.

« Alexandre était un gosse silencieux, longiligne, qui collectionnait les papillons et les fossiles qu’il dégageait du limon de la Malefête. À 20 heures, il n’était toujours pas rentré. Son père était parti à sa recherche et avait retrouvé son filet à papillons planté au milieu d’un sentier forestier. Son short, son slip, son tee-shirt, ses chaussettes et ses chaussures étaient parfaitement entassés, juste devant. Dans le crépuscule écarlate, la mise en scène était macabre. En découvrant la pile de vêtements pliés, le père d’Alexandre avait eu l’impression qu’une entaille s’ouvrait dans son corps, une déchirure palpitante qui partait du palais, traversait sa gorge et courait jusqu’à ses tripes. »

« Et Jérémie voit Aurore. Dans les gémissements, le sang et l’urine, Jérémie voit un ange parfait, une fille en blouson de cuir, avec un poing américain dans la main. Le réel se suspend : la vision d’Aurore, de ses yeux bleus incroyablement concentrés, crée une singularité dans les lois de la nature.

– Je m’appelle Aurore Ernevin, je suis la fille du capitaine de la gendarmerie d’Estanville, crie-t-elle. Si vous vous en prenez à moi, mon père vous fera creuser vos tombes dans les friches de la Malefête.

Elle laisse passer une seconde puis : – Tu viens, Jérémie ? – Oui, je viens, bredouille-t-il. »

« – On s’en fout de ma coupe de cheveux ! Ils ont des armes chimiques, je te dis ! Ils appellent tous les Arabes à se révolter contre l’Occident. Saddam a fait inscrire Allah Oukabar sur ses missiles !

Guilhem se penche en avant. Il regarde Jérémie avec un air condescendant, le visage incliné, le sourire en coin. Il lui répond doucement, comme s’il s’adressait à un enfant un peu débile :

– Je vais te dire, Jérémie. Cette guerre est chouette, vraiment, les images ont de la gueule. J’adore. Le problème, c’est l’adversaire. Ça va aller vite. On va lui péter la gueule rapido, au raïs. Et tu sais pourquoi ?

– Non, répond Jérémie.

– À cause de sa moustache. Les moustachus ne gagnent jamais. C’est une règle de la guerre. Regarde Hitler. Regarde Vercingétorix. Les moustachus se font toujours niquer.

– Tu déconnes ?

– Carrément pas. Il est baisé. On va l’exploser, Saddam. »

« Cédric, l’étudiant professionnel qui avait découvert le caméscope d’Escard, a plusieurs passions dans l’existence. Il aime le punk rock américain, la bière belge, les filles de toutes origines, l’herbe locale et les jeux de rôle. C’est cette dernière passion qu’il a transmise à Jérémie, Guilhem et Dario à l’occasion d’un atelier qui se tient entre midi et deux, toute la semaine ; à côté du club d’échecs, du labo photo ou de la chorale.

Pour Jérémie et Guilhem, ce fut une épiphanie. Pour Dario, ce fut également l’opportunité inespérée de se faire des amis. Dario mesure moins d’un mètre quarante, il a le teint mat et des cheveux bouclés (une véritable toison ovine). Il excelle en classe et, pire que tout, il se passionne pour l’astronomie, les dinosaures et fait des fiches en découpant les pages de son Sciences et Vie Junior. C’est donc, pour tous ses camarades de classe, un taré, un pestiféré. »

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Cette entrée a été publiée le 5 février 2023 par dans découverte auteur, fantastique, Livre, Mes lectures, polar, policier, Thriller, et est taguée , , , , , , , , , .