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La colère de S. A. Cosby

« Tout ce que j’essaie de dire, c’est qu’on est dans le Sud. Si on n’est pas blanc et hétéro, il vaut mieux surveiller ses arrières. »

Résumé éditeur :

Après « Les Routes oubliées », la nouvelle sensation des lettres américaines est de retour !

Ike Randolph est noir. Buddy Lee Jenkins est blanc. En Virginie-Occidentale, cela revient à dire que tout les oppose. Ils ont pourtant été tous les deux pareillement lamentables en dénigrant avec la même violence l’homosexualité de leurs fils, maintenant mariés l’un à l’autre. Alors, quand Isiah et Derek sont assassinés, la douleur a un goût de culpabilité. Qui a tôt fait de se transformer en colère, une colère viscérale, qui réclame un exutoire.

À travers un thriller palpitant superbement incarné par deux hommes en quête de rédemption, S. A. Cosby dresse un état des lieux sans concession des marges de l’Amérique. Unanimement acclamé par la presse à sa sortie, La Colère est en cours d’adaptation pour le cinéma par la Paramount.

368 pages – 6/4/2023

« Ike se mit à crier. Un cri qui n’enfla pas dans sa poitrine avant de jaillir de sa bouche, mais qui sortit sans prévenir sous la forme d’un long hurlement sauvage. Le sac de frappe se retrouva secoué de spasmes : Ike avait abandonné la technique pour un instinct purement animal. Ses phalanges en sang laissaient sur le cuir des taches écarlates qui faisaient penser à un test de Rorschach. Des gouttes de sueur dégoulinaient de son front pour tomber dans ses yeux, et des larmes dégoulinaient de ses yeux pour rouler sur ses joues. Des larmes pour son fils. Pour sa femme. Pour cette petite fille qu’ils allaient devoir élever. Pour ce qu’ils étaient et pour ce qu’ils avaient perdu. Et chaque larme lui faisait l’effet d’une lame de rasoir lui lacérant le visage. »

Mon avis :

Ce livre m’a fait de l’œil dès que je l’ai découvert au travers de chroniques élogieuses. Et le résultat est à la hauteur de mes attentes… un gros coup de cœur ! « La colère » raconte surtout l’histoire de deux pères qui viennent de perdre chacun leur fils, assassinés comme des chiens dans la rue. Ils sont dévastés par cet assassinat d’autant plus qu’ils n’ont pas été des pères modèles. En effet, Isiah le fils d’Ike et Derek le fils de Buddy Lee s’aimaient et en Virginie occidentale cela ne se fait pas. Les deux hommes, bien qu’aimant leurs fils, n’ont jamais accepté leur homosexualité de leur vivant. Et maintenant qu’ils sont morts, les regrets, les doutes, la douleur, la colère et la haine sont là qui les dévorent de l’intérieur. Tous les deux sont d’anciens taulards avec des vies parsemées de violence. Ike est noir dans un monde sudiste, raciste, suprémaciste. Il a fait partie de gangs et pour avoir tué il est allé en prison. Mya, sa femme, a dû élever seule de longues années leur fils qui lui n’avait plus son père. Et pour couronner le tout, Isiah est gay. Ce que Ike n’a jamais accepté et à chaque fois que son fils a voulu lui en parler, cela s’est terminé par des disputes violentes. De son côté Buddy Lee lui est blanc, alcoolique, né dans une famille raciste et dépravée. Il a fait également de la prison pour braquage et autres délits. Lui aussi est assez violent et n’a jamais accepté l’homosexualité de son fils. Tandis que Buddy Lee se noie dans son alcoolisme sans réagir, Ike de son côté est revenu dans le droit chemin depuis sa sortie de prison et dirige une petite entreprise de jardiniers. L’assassinat de leurs fils va faire se rencontrer ces deux hommes que tout sépare et la douleur, l’incompréhension, le remord et la haine vont sceller leur destin. En effet devant l’inaction de la police, les deux hommes vont se lancer sur la piste des assassins qui ont tué Isiah et Derek. Et ce chemin vers ce but ultime va être semé d’embûches, de violence, de mort. Etrangement, une sorte d’amitié naîtra entre les deux hommes de cette douleur intolérable et de cette rage. J’ai énormément aimé ce livre certes violent et dur mais avec ces deux personnages très attachants, empêtrés dans leurs contradictions et leurs remords. Eux qui ont été tellement mauvais pères du vivant de leurs fils tentent, sans doute en vain, de réparer un peu les choses en poursuivant leurs assassins maintenant qu’ils sont décédés. Gravitent autour d’Ike et de Buddy Lee d’autres personnages attachants (Mya la femme d’Ike, Jazzy, sa secrétaire, Arianna, la petite-fille d’Ike et Buddy Lee, Margo la voisine de Buddy Lee, Tangerine etc.). Par ailleurs, l’auteur décrit très bien ce Sud américain, raciste, violent, homophobe, l’ambiance qui y règne, les groupuscules suprémacistes ultraviolents comme ces bikers, les Sangs purs, qui ont tué Isiah et Derek. Alors oui Buddy Lee et Ike (Riot quand il retrouve son passé de violence) sont violents dans leur vengeance mais tellement touchants dans leur douleur, leur résilience et leurs regrets. Sur ce dur chemin, ils évoluent vers une sorte d’humanité. Et c’est aussi ça qui m’a profondément émue et bouleversée. Bref, je ne peux que vous conseiller cette lecture prenante et indispensable. Oui indispensable car ce livre nous renvoie à nos propres convictions et nos questionnements sur la vie. Je vais suivre cet auteur sans aucun doute.

« Le seul chemin qui s’ouvrait à eux était sombre comme la mort et pavé de mauvaises intentions. »

Lien du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Cosby-La-colere/1463592

Note sur Babélio : 4,27/5 (64 notes) – Ma note : 5/5

« – Est-ce que je récupère ton pick-up ? Parce que dans ce cas-là, avec plaisir ! s’exclama Buddy Lee avec un petit ricanement.

– Oui, oui, tu récupères le pick-up. Par contre, tu te fais aussi contrôler quatre ou cinq fois par mois, parce qu’il y a pas moyen qu’un négro comme toi puisse se payer une bagnole pareille, pas vrai ? Tu récupères le pick-up mais, dès que tu fous les pieds dans une bijouterie, y a le vigile qui te lâche pas d’une semelle parce qu’il pense que t’es juste là pour préparer un casse. Tu récupères le pick-up, mais toutes les petites vieilles que tu croises s’agrippent à leur sac à main parce qu’elles ont vu sur Fox News que ton seul objectif dans la vie était de les détrousser, voire de les violer. Tu récupères le pick-up, mais tu dois expliquer au cow-boy qui t’arrête que non, non, monsieur l’inspecteur, je vous jure que je ne refuse pas de coopérer. Tu récupères le pick-up mais tu te prends deux balles dans le dos parce que t’as fait la connerie de vouloir sortir ton portable de ta poche. »

Ike jeta un coup d’œil à Buddy Lee et ajouta :

– Alors, tu veux toujours qu’on échange nos places ? »

L’auteur : S. A. Cosby

S. A. Cosby, né Shawn A. Cosby, est un romancier américain, auteur de roman policier, né le 4 août 1973.

Originaire du sud-est de la Virginie, S. A. Cosby a grandi en milieu rural, dans le Comté de Mathews, à proximité de Richmond, ancienne capitale de la Confédération sudiste, en Virginie.

S.A. Cosby a été élevé dans une famille pauvre, il n’y avait pas d’eau courante chez eux avant ses 16 ans. Son père travaillait sur un bateau dans la Baie de Chesapeake, pendant que sa mère Joyce Ann Smith, qui avait un léger handicap, s’occupait de son frère Darrell et lui, dans leur modeste caravane. Pendant sa jeunesse, un de ses oncles lui fait découvrir des auteurs de romans policiers comme Raymond Chandler et John D. MacDonald. À cause de la pauvreté de sa famille, il ne peut poursuivre ses études mais n’a de cesse de lire et de s’instruire par ses propres moyens. Il considère d’ailleurs que la littérature l’a « sauvé ». En 2019, S. A. Cosby publie sa première nouvelle à succès, « Brotherhood of the Blade », qui remporte un Anthony Awards. Il enchaîne avec son premier roman, « Les Routes oubliées », qui se voit couronné de nombreux prix dont le Los Angeles Times Book Prize en 2020 ot l’Anthony Awards en 2021. Son deuxième roman, « La Colère », est également salué par la critique et les droits cinématographiques ont été immédiatement achetés par l’équipe de Jerry Bruckheimer (Pirates des Caraïbes, Bad Boys, Les Experts).

S. A. Cosby vit aujourd’hui à Gloucester, en Virginie. Il est marié à Kimberly Redmond Cosby, directrice d’un funérarium.

« « Ike, c’est notre petit garçon dans cette boîte, sanglota Mya d’une voix qui le fit frémir. Notre bébé. »

Il avait l’impression d’entendre les couinements d’un lapin pris dans un collet. Autour de lui, les employés des pompes funèbres se mirent à replier les chaises tandis que les gens se dirigeaient vers le parking. Il sentit des mains lui effleurer le dos et les épaules. Perçut des mots d’encouragement bredouillés sans conviction, non pas parce que ceux qui les prononçaient n’étaient pas sincères, mais parce qu’ils savaient que ces platitudes ne seraient jamais à la hauteur du chagrin d’un père. Et en même temps, qu’auraient-ils pu faire d’autre ? Débiter des clichés après l’enterrement faisait autant partie de la tradition qu’apporter un gratin à la veillée funèbre. »

« Derek n’avait rien à voir avec son père. Il faut croire que le mal qui rongeait les racines de l’arbre généalogique des Jenkins ne l’avait pas atteint. Tout petit, déjà, il présentait un potentiel inouï. D’ailleurs, il avait accompli plus en vingt-sept ans de vie que toute la famille Jenkins réunie en une génération. Buddy Lee se mit à trembler et ses doigts laissèrent échapper la photo, qui tournoya lentement jusqu’au sol. Il enfouit alors la tête entre ses mains et attendit que les larmes viennent. Sa gorge était brûlante. Son estomac sens dessus dessous. Ses yeux semblaient sur le point d’exploser. Pourtant, les larmes refusaient de sortir. »

« Il avait aussi appris à contrôler ses nerfs. En prison, la communication non violente était un concept totalement inconnu : il fallait frapper le premier, et frapper fort. À défaut, on se retrouvait à laver les sous-vêtements souillés de son compagnon de cellule. La première fois que quelqu’un lui avait grillé la priorité après sa libération, ça n’avait pas été facile. Il avait dû faire preuve d’un sang-froid inimaginable pour ne pas rattraper l’imprudent, le traîner hors de sa voiture et lui fracasser la tête contre le bord du trottoir.

Buddy Lee n’avait rien compris. Ike n’avait pas peur de se salir les mains, ni de faire couler le sang. Sa seule crainte, c’était de ne pas réussir à s’arrêter. »

« – Pourquoi tu l’appelles inspecteur Sushi ? demanda Ike, les sourcils froncés.

– Ben, pour déconner. Par rapport au fait qu’il est chinois.

– Je crois pas qu’il soit chinois. Et en plus, les sushis, c’est japonais. Vous, les Blancs, vous adorez vous foutre de la gueule des autres, mais il suffit qu’on vous dise qu’il manque quelques branches à votre arbre généalogique pour que vous sortiez le fusil.

– Pas moi, j’assume complètement d’avoir un oncle qu’est aussi mon cousin, rétorqua Buddy Lee avec un grand sourire. N’empêche, on peut plus rigoler. J’ai l’impression que depuis quelque temps, les gens sont tous devenus susceptibles.

– C’est pas qu’ils sont susceptibles. C’est juste qu’il y a une époque pas si lointaine où ils pouvaient pas protester sous peine de se retrouver pendus à un lampadaire par un de tes oncles-cousins. Aujourd’hui, ils sont libres de t’envoyer te faire foutre. » 

« C’était le problème avec la violence : quand on la cherchait, on la trouvait, mais elle vous prenait aussi souvent au dépourvu. Elle n’attendait pas que vous soyez prêt pour vous sauter à la gueule et saloper vos jolies godasses neuves. Et, à force de la provoquer, on finissait par se rendre compte qu’on ne serait jamais prêt. Il y avait toujours des imprévus – soit on arrivait à s’en accommoder, soit non. Au bout d’un moment, on s’habituait. Quand il était plus jeune, il aimait à penser que c’était comme ça qu’on s’endurcissait ; après quelques années à l’ombre, il avait compris qu’il s’était raconté des histoires : les êtres humains étaient capables de s’habituer à peu près à tout. Ça ne faisait pas d’eux des durs. Seulement des gens au cerveau malléable. »

« Ils voulaient la guerre ? Il allait leur offrir un massacre. »

« J’ai essayé d’arrêter de l’aimer. Il y a eu une période où je pouvais même pas le regarder. Chaque fois que je posais les yeux sur lui, tout ce que je voyais, c’était lui en train de faire des saloperies avec un inconnu. Merde, désolé. Derek était pas un inconnu.

– T’en fais pas. Je comprends très bien, même si j’ai pas vécu tout à fait la même expérience. Moi, j’ai jamais voulu arrêter d’aimer Derek. Tout ce que je souhaitais, c’est qu’il soit normal. Il m’a fallu longtemps pour piger.

– Piger quoi ?

– Que c’était pas à moi de définir ce qui était normal ou pas. Et qu’on s’en foutait d’avec qui Derek passait la nuit, du moment qu’il se réveillait le lendemain. »

« – On sait jamais que ce sera la dernière fois. Un jour, il est trop tard. Et à ce moment-là, on a juste envie de crever… »

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2 commentaires sur “La colère de S. A. Cosby

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