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Terrasses ou Notre long baiser si longtemps retardé de Laurent Gaudé

« L’Histoire fera le récit des faits. Qui fera le récit des âmes ? »

Résumé éditeur :

Vendredi 13 novembre 2015, il fait exceptionnellement doux à Paris – on rêve alors à cette soirée qui pourrait avoir des airs de fête. Deux amoureuses savourent l’impatience de se retrouver ; des jumelles s’apprêtent à célébrer leur anniversaire ; une mère s’autorise à sortir sans sa fille ni son mari pour quelques heures de musique. Partout on va bavarder, rire, boire, danser, laisser le temps au temps. Rien n’annonce encore l’horreur imminente.
Laurent Gaudé signe, avec « Terrasses », un chant polyphonique qui réinvente les gestes, restitue les regards échangés, les quelques mots partagés, essentiels – écrit l’humanité qui éclot au cœur d’une nuit déchirée par l’impensable. Et offre à tous un refuge, face à un impossible oubli.

144 pages – 10/4/2024

« Un jour normal – ce qui veut dire que rien n’empêchait le cours de nos vies. Certains ont été chanceux, d’autres pas, mais ce n’est pas cela qui va marquer cette journée. Bientôt, nous oublierons parce que tout ce qui précède va être avalé par ce qui vient. C’est comme un trou noir en fin de journée qui va dévorer tout ce que nous aurons vécu pour arriver jusqu’à lui. Seul compte l’abîme. Et il est tout près. »

Mon avis

Quand j’ai vu que Laurent Gaudé, un auteur que j’aime beaucoup, venait de publier un livre court mais intense sur la nuit du 13 novembre 2015, « Terrasses » le bien nommé, je n’ai pas hésité. Il me fallait le lire car je sais la force et la beauté de l’écriture de Laurent Gaudé. Et je l’ai lu en apnée, pratiquement en une seule fois tant je voulais découvrir la suite tout en sachant bien évidemment comment ça se terminait mais je voulais, prise d’une certaine urgence, découvrir les mots d’horreur mais aussi de douceur et d’humanité que l’auteur allait poser sur cette si longue nuit qui m’a marquée comme beaucoup. Tour à tour Laurent Gaudé prend la parole à la première personne au nom de ces sœurs jumelles qui se sont retrouvées à Paris pour fêter leur anniversaire commun (ça aurait pu être Barcelone… mais c’est Paris en cette terrible nuit, le hasard de la vie comme on dit), ou ces deux amoureuses qui se sont donnés rendez-vous pour enfin vivre leur amour, échanger leur premier baiser, ou ces infirmières qui après déjà une nuit de travail vont être rappelées et revenir pour faire partie de la grande chaîne des soignants qui vont tenter d’arracher à la mort des victimes, ou bien encore ces parents qui peu à peu comprennent que leurs enfants font partie des actualités terribles dont on parle à la télévision… Ce livre est un cri choral sur cette nuit du 13 novembre 2015 à Paris, théâtre de la barbarie sur les terrasses, dans la rue, au stade ou dans une salle de concert. Un cri et un hommage aussi tout en délicatesse pour surtout ne jamais oublier et se rappeler que derrière les chiffres, il y a des personnes qui avaient une vie, une famille et des amis. Je viens de lire ce livre beau et effroyable à la fois, alors que Fred Dewilde, survivant du Bataclan, vient de se donner la mort, aspiré par ses traumatismes. Il n’est malheureusement pas le seul à y avoir succombé après ces monstrueux attentats. « Terrasses ou Notre long baiser si longtemps retardé » de Laurent Gaudé est un écrit précieux pour la mémoire et une lecture nécessaire.

« Nous sommes assis en terrasse. Nous bavardons. Buvons. Racontons notre semaine ou nos projets. Il y a des éclats de rire et des silences gênés. Des yeux qui se cherchent, des mains qui se touchent. Nous ne sentons pas que quelque chose a changé. Il est là. Le Hasard. Il s’avance, descend la rue de son pas irrégulier, murmurant entre ses dents une chanson au refrain effrayant : « Toi, oui… Toi, pas… » Mais qui l’entend pour l’instant ? Qui se doute qu’il est venu pour régner et que c’est lui, désormais, qui va décider de nous, décider de tout. »

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

terrasses ou notre si long baiser si longtemps retardé de Laurent Gaudé sur Babélio

Note sur Babélio : 4,64/5 (207 notes) – Ma note : 5/5

« Le monde hurle face à eux. Tout le monde s’écarte, court se mettre à l’abri. Comme c’est jouissif. Sous leurs pieds, même le trottoir gémit. »

L’auteur : Laurent Gaudé

Laurent Gaudé, né le 6 juillet 1972 dans le 14e arrondissement de Paris, est un romancier, nouvelliste et dramaturge français.
Laurent Gaudé a fait des études de Lettres Modernes et d’Études Théâtrales à Paris. En 1997, il publie sa première pièce, « Onysos le furieux », à Théâtre Ouvert. Suivront alors des années consacrées à l’écriture théâtrale et à la création de ses pièces sur les plus grandes scènes, en France et à l’étranger.
Son premier roman « Cris », sur les atrocités de la Première Guerre mondiale, est publié en 2001. Avec « La mort du roi Tsongor », il obtient, en 2002, le Prix Goncourt des Lycéens et le Prix des Libraires. En 2004, il est lauréat du Prix Goncourt pour « Le soleil des Scorta », un roman qui se déroule dans les Pouilles en Italie, sa terre d’adoption.Engagé dans son temps, les voyages sont pour lui une nécessité, l’occasion de se « frotter au monde ». Écrire est, peut-être, une façon de faire retentir le cri des disparus ou des plus démunis.
Port-au-Prince, le Kurdistan irakien, le Bangladesh ou la jungle de Calais donnent lieu à des reportages journalistiques et à des romans comme « Eldorado » sur le sort des migrants ou « Danser les ombres » sur le séisme qui a frappé Haïti en 2010.
Reconnu pour son écriture au souffle épique, son style lyrique et sa capacité à explorer des thèmes universels avec empathie et humanité, ses œuvres interrogent notre rapport à l’amour, la fidélité, le deuil, l’exil, la mémoire et la vengeance tout en laissant place à l’espoir et à la beauté de la vie.
Au fil des années, Laurent Gaudé ne cesse de se renouveler et démontre sa capacité à absorber de nouveaux genres littéraires. La poésie avec « De sang et de lumière » ou « Nous l’Europe, banquet des peuples » qui obtient le Prix du livre Européen en 2019.
Dans son roman « Chien 51 » ou ses pièces de théâtre « La Dernière nuit du monde » et « Même si le monde meurt », il explore les territoires de l’anticipation et de la dystopie pour mieux donner à entendre les tourments de notre monde.
Avec « Terrasses » publié en 2024, il renoue avec la tragédie contemporaine dans un récit choral sur les attentats parisiens de novembre 2015.
Laurent Gaudé fait aujourd’hui partie intégrante du panorama littéraire français du XXIe.Ses œuvres sont régulièrement prescrites dans les classes de collège et de lycée et rencontrent un grand succès auprès des enseignants.

« Ici, le meurtre, et trois rues plus loin, la douceur. Est-ce possible ? Ici, le sang, et dans le quartier d’à côté, le vin blanc joyeusement partagé. À deux cents mètres de là, on vit. Personne ne sait que nous crions, que nous saignons. La mort ne frappe que ce carrefour. Partout ailleurs, c’est encore une belle soirée.
Je ne veux pas être à terre. Parmi ces corps qui gisent sans même avoir compris qu’ils viennent d’être tués. Je ne t’ai pas encore embrassée. Il faut revenir. Tout recommencer. Tu ne tournes pas le dos aux assassins. Je ne renverse pas mon verre. Je t’emmène plus loin. Pour que nous restions dans une belle soirée. »

« Je ne serai plus… Plus jamais celle que je fus… Jamais… Je ne deviendrai jamais… Plus rien d’autre… Que ce que je fus. »

« Il faut que tu me promettes que nous danserons encore, toi et moi, ici ou dans la mort, que tu me promettes qu’il nous reste un baiser à nous donner. »

« Il faut quelques secondes pour saccager une vie mais des années pour la réparer. »

« Nous nous relevons. Nous comptons nos morts. Nous étreignons ceux dont nous étions sans nouvelles et que la mort n’a finalement pas pris. Nous reprenons le chemin de nos vies. Qu’avons-nous perdu ? Un peu de nous-mêmes. De notre sérénité. De notre insouciance. Mais quelque chose est né en nous. Nous avons envie de brandir fièrement ce que nous sommes. Pour défier ceux qui voulaient nous abattre. Nous ne sommes pas soumis. Blessés. Sonnés. Mais pas soumis. Ils voulaient nous châtier. Genou à terre. Mais nous ne savons pas être autrement que ce que nous sommes. Nous nous relevons. Les terrasses des cafés deviennent le symbole de notre mode de vie. Nous y retournons. Nous trinquons haut et fort. Mais les images de cette nuit restent en nous. Nous avons appris qu’on pouvait mourir de marcher dans la rue, de s’attarder autour d’un verre avec des amis. Et pourtant, il faut continuer. Vivre. Comme on aime. Au nom de ceux qui sont tombés. Nous serons tristes, longtemps, mais pas terrifiés. Pas terrassés. »

Ma lecture actuelle

9 commentaires sur “Terrasses ou Notre long baiser si longtemps retardé de Laurent Gaudé

  1. Light And Smell
    13 Mai 2024

    Ton avis m’a donné des frissons alors j’imagine l’intensité émotionnelle de ce court mais important livre.

    Aimé par 1 personne

  2. Matatoune
    14 Mai 2024

    Oui, je suis d’accord,  » lecture nécessaire  » et  » écrit précieux  » . Pensées sincères pour toutes les victimes !

    Aimé par 1 personne

  3. Un livre qui doit être particulièrement poignant.

    Aimé par 1 personne

  4. Cette soirée nous a marqué nous autres parisiens.

    Et visiblement ça a été aussi la cas de Laurent Gaudé !

    Aimé par 1 personne

  5. Pingback: Laurent Gaudé – Terrasses | Sin City

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