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Toutes blessent la dernière tue de Karine Giebel

 

Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, article 4 :

« Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes ».

 

 

 

 

« De toute façon, personne n’entend jamais mes appels au secours.

Personne, jamais.

Parce que, pour appeler au secours, il faut exister. Exister pour quelqu’un ».

 

 

Résumé éditeur :

« Maman disait de moi que j’étais un ange.

Un ange tombé du ciel.

Ce que maman a oublié de dire, c’est que les anges qui tombent ne se relèvent jamais.

Je connais l’enfer dans ses moindres recoins.

Je pourrais le dessiner les yeux fermés. Je pourrais en parler pendant des heures.

Si seulement j’avais quelqu’un à qui parler… »

 

Tama est une esclave. Elle n’a quasiment connu que la servitude.

Prisonnière de bourreaux qui ignorent la pitié, elle sait pourtant rêver, aimer, espérer.

Une rencontre va peut-être changer son destin…

 

Frapper, toujours plus fort.

Les détruire, les uns après les autres.

Les tuer tous, jusqu’au dernier.

 

Gabriel est un homme qui vit à l’écart du monde, avec pour seule compagnie ses démons et ses profondes meurtrissures.

Un homme dangereux.

Un matin, il découvre une inconnue qui a trouvé refuge chez lui. Une jeune femme blessée et amnésique.

Qui est-elle ? D’où vient-elle ?

 

« Rappelle-toi qui tu es. Rappelle-toi, vite !

Parce que bientôt, tu seras morte ».

 

 

 

« Peu de temps après son arrivée dans cette maison maudite, Tama a compris que Charandon était un homme violent. Derrière une belle façade de respectabilité se cache un monstre aux pulsions incontrôlables. Tama ne peut oublier le jour où il a massacré un chat à coups de pelle, simplement parce que la pauvre bête avait mordu Adina qui tentait de l’attraper. Charandon s’était acharné sur l’animal, et ce qu’elle avait vu dans ses yeux à ce moment-là, elle le revoyait chaque fois qu’il s’en prenait à elle. Une étincelle glacée de jouissance malsaine ». 

 

 

Je vous le dis tout de suite, je ressors complètement bouleversée de la lecture de ce très beau livre, dur, mais tellement bien écrit, attachant et haletant.

Cela fait longtemps que je me dis que je vais lire un livre de cette auteure : Karine Giebel. Et puis le temps passe, les lectures défilent. Et bien voilà, c’est fait… « Toutes blessent la dernière tue » est donc mon premier Giebel. Et quel début magistral ! Un gros gros coup de cœur pour moi. Si j’avais pu mettre 6 étoiles, je l’aurais fait avec plaisir et cela aurait été amplement mérité.

En le choisissant, je n’ai pas fait attention au nombre de pages car je l’ai lu en version numérique… C’est un beau pavé de 744 p. Mais je vous rassure, il ne faut pas avoir peur. Il est tellement excellent, il n’y a aucune longueur de trop… on le déguste jusqu’au bout.

Bouleversée, je vous l’ai dit, car le sujet est délicat et tellement révoltant : l’esclavage domestique avec toute la violence, la cruauté et l’injustice qu’il véhicule. C’est tellement honteux que l’esclavage dit moderne continue d’exister en toute impunité, derrière des façades banales de maisons, d’immeubles de nos villes. C’est un scandale incroyable, insupportable et pour moi un vrai crève-cœur. Dans « Toutes blessent la dernière tue », on fait la connaissance de Tama (ce n’est pas son vrai nom, mais son nom d’esclave, on découvrira qu’à la toute fin du livre le nom que ses parents lui ont donné à sa naissance), donc Tama, petite Marocaine de 8 ans à peine qui vient de perdre sa maman. Une maman aimante, douce, rayonnante. Son père ne peut s’en occuper seul, il la confie donc à Afaq, sa sœur. Afaq est assez dure mais juste, elle s’occupe de sa nièce, l’envoie à l’école et la fait travailler. Un jour, le père de Tama vient la chercher et la confie à Mejda, une Marocaine qui vit en France où elle l’emmène pour soi-disant lui offrir un meilleur avenir. En fait, son père la vend à cette femme. Il s’est remarié et a d’autres enfants qu’il doit nourrir, et il n’a pas beaucoup d’argent. Dès son arrivée en France, le sort de Tama est scellé. Elle est confiée par Mejda à une famille, les Charandon. Tama devra s’occuper des enfants quatre dont un bébé, Vadim, faire le ménage, la cuisine, la lessive, le repassage… et dormira par terre dans la buanderie ou le garage, mangera les restes des enfants et n’aura bien évidemment aucun droit si ce n’est celui d’obéir, de subir toutes les humiliations possibles et surtout la violence de ses maîtres. C’est un véritable calvaire que va vivre Tama pendant de longues années. Elle n’existe pas, elle est un objet qui doit trimer de très longues heures, entre 5h du matin et 22h, 23h quand on lui donne enfin le droit d’aller se reposer. Tama espère qu’un jour son père viendra la chercher. Elle ne sait pas quelle faute elle a pu faire pour être punie ainsi. Une fois par mois son père appelle pour avoir des nouvelles. Sefana, sa maîtresse ment au père en lui disant qu’elle envoie Tama à l’école, invente des bêtises que sa fille ferait et quand Tama parle à son père, elle se fait réprimander, elle n’a bien évidemment pas le droit de lui dire la vérité sous peine de représailles terribles. Une fois par an, la comédie d’une photo de Tama avec une robe et d’un gâteau d’anniversaire est envoyée au père. Torture psychologique donc pour cette petite fille mais aussi de la torture physique pure, sadique d’une incroyable cruauté. On vit jour après jour, le martyre de Tama, ses révoltes, ses réflexions, sa volonté d’apprendre à lire quoiqu’il arrive (elle emprunte les livres de la maison, et petit à petit apprend à lire, lit des livres de plus en plus compliqués, apprend le monde, évolue dans ses réflexions, ce qui l’aide à survivre…). Elle rencontre aussi Izri, le fils de Mejda… rencontre très très importante pour elle, pour sa vie….

En parallèle de l’histoire de Tama, on suit Gabriel, un homme brisé par le viol et le meurtre de Lana, devenu dur, glacial accomplissant une mission… sa mission de vengeance. Une jeune femme blessée, amnésique, fait irruption dans sa vie solitaire. Qui est donc cette « chère inconnue » dont la vie ne tient plus qu’à un fil ?

Bien sûr, je ne vous le dirai pas, à vous de lire pour le découvrir !

Ce livre est dur, très dur par moment… souvent. La vie de Tama est particulièrement difficile, mais les personnages sont pour certains très attachants et très forts (vous l’aurez compris en particulier Tama, mais aussi Madame Marguerite, Wassila, Vadim, Tayri, Izri…), mais les méchants sont particulièrement cruels. Le destin de chacun est scellé, et on a hâte de savoir comment cela peut se terminer. Le suspense est bien mené, et jusqu’au bout, on ne sait pas si l’histoire va bien se terminer ou non. C’est un roman noir. Je ne vous dirai rien du dénouement car il vous faut découvrir l’univers et le monde de Tama. Même si sa vie est particulièrement dure, il y a tout de même des moments de rire, de plaisir, d’amitié, d’amour… d’amour intense. Oui ce livre est vraiment complet et je vous le conseille très vivement !

Tama va rester longtemps avec moi. Je ne suis pas prête de l’oublier. Et c’est certain, je vais lire d’autres Karine Giebel.

 

 

 

« A chaque livre, j’ai l’impression qu’une porte s’ouvre quelque part dans ma tête. Les verrous cèdent, les uns après les autres. Un livre, c’est comme un voyage, dans l’espace ou le temps. Dans l’âme des hommes, dans la lumière ou les ténèbres. Du coup, les histoires que j’invente sont de plus en plus complexes.

Je crois que si j’étais privée de livres, ça me tuerait ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Giebel-Toutes-blessent-la-derniere-tue/1015895

 

 

 

« Elle a compris que cet homme et sa femme ont tous les droits. Le droit de vie ou de mort sur elle. Tama a réalisé qu’elle leur appartient. Ils pourraient l’assassiner, jeter sa dépouille dans une rivière. Et après ? »

 

 

 

« Se rebeller, c’est vivre. Mais c’est aussi souffrir. C’est surtout souffrir ».

 

 

 

« Sefana et Fadila sont vautrées dans le canapé. Toutes deux concentrées sur leur smartphone, elles ne se parlent pas, ne se regardent pas. Tama songe que si elle avait la chance d’avoir sa mère assise près d’elle, elle la dévorerait des yeux, lui parlerait pendant des heures. Lui confierait ses petits secrets, serrée contre elle.

Mais Fadila ne sait pas encore ce que ça fait de ne plus avoir sa mère à côté de soi. Tama, elle, connaît cette souffrance, inscrite dans sa chair au fer rouge ». 

 

 

 

« J’ai cherché la définition du mot « aboli » dans le dictionnaire d’Émilien.

Abolir, ça veut dire supprimer quelque chose.

Donc, l’esclavage n’existe plus. Interdit, dans le monde entier.

C’est une bonne nouvelle, mais il devrait y avoir des gens chargés de vérifier qu’il ne reste pas d’esclaves dans les buanderies.

Dommage qu’ils n’aient pas pensé à ça lorsqu’ils ont aboli l’esclavage ».

 

 

 

« Je ne me serais jamais cru capable d’aimer ainsi. J’ignore si c’est une force ou une faiblesse. En tout cas, ce n’est pas un choix ». 

 

 

 

« Quand Izri a espacé ses visites, Mejda est passée à l’attaque. Entre nous, un drôle de jeu a commencé.

Un jeu de massacre.

Les règles étaient simples : me faire souffrir sans laisser de traces. Et finalement, ce n’est pas si compliqué. Il suffit d’avoir beaucoup d’imagination. Beaucoup de haine, aussi.

J’ai essayé de me défendre, Mais Mejda est plus grande et bien plus forte que moi. Elle pèse au moins quatre-vingts kilos alors que je n’en fais même pas cinquante.

Et surtout Mejda est une professionnelle du mal.

Alors que, moi, je ne suis qu’une apprentie ».

 

 

 

« Il y a peu, j’ai trouvé une nouvelle citation sur Internet.

La liberté commence où l’ignorance finit.

En découvrant cette phrase de Victor Hugo, j’ai réalisé à quel point j’avais eu raison de me battre pour apprendre. Certes, lire ne m’a pas empêchée de rester une esclave des années durant, mais chaque jour, ça m’aide à me sentir plus forte.

Chaque jour, ça m’aide à briser mes chaînes, maillon après maillon ».

 

 

 

« Mon grand-père était déjà fatigué mais tenait encore debout. Il s’appelait Hachim, il était grand et fort. Il parlait peu ; tout était dans ses yeux. Tout ce qu’il avait subi, vécu. Tout ce qu’il avait surmonté. Les humiliations, les trahisons, les brimades. Ses mains et son dos étaient érodés par le travail, son visage ressemblait à une carte en relief menant à un trésor : son regard ».

 

 

 

« Il traverse Nîmes, une ville qu’il n’aime pas, qu’il n’aimera plus jamais. Il se remémore un week-end passé ici avec Greg, à l’occasion de la féria des vendanges.

Allez, viens Iz… Tu vas voir, c’est un truc de dingues !

Un truc de dingues, aucun doute.

La soirée avait tenu ses promesses. De l’alcool, beaucoup d’alcool. Boire, rire, danser.

Le lendemain, gueule de bois, nausée. Sa première corrida. La dernière, c’est certain.

Il se rappelle encore l’excitation de Greg, ses cris poussés en chœur avec le reste de la foule galvanisée par l’odeur du sang. Ce peuple qui, depuis la nuit des temps, aime tant donner la mort par procuration.

Se salir les yeux, jamais les mains.

Izri se rappelle des cris, oui. Hystérie collective, tandis que lui, mourait d’envie de descendre dans l’arène pour massacrer la demi-portion que tous ovationnaient. Retirer les banderilles de l’échine de ce magnifique animal pour les planter dans celle de cet homme qui gesticulait dans un accoutrement ridicule.

— Un collant rose, putain ! se souvient Izri ».

 

 

 

« Je n’ai plus de larmes. Plus de forces. J’arrive au bout du chemin. J’ai vécu dans une buanderie, dans une loggia. J’ai vécu le pire. Du moins, le croyais-je. J’ai vécu dans une belle maison avec piscine. Désormais, c’est dans un placard que je survis. L’ampoule éteinte, mes rêves moribonds.

J’ai servi d’esclave à ceux qui ignorent la pitié. J’ai apprivoisé la peur, la solitude. j’ai appelé au secours, j’ai perdu ma voix, mon innocence et ma dignité.

J’ai appris le silence, le deuil et la servitude. J’ai détesté, et même haï. J’ai aimé si fort que je me suis consumée de l’intérieur. Je n’ai que seize ans. Pourtant, j’ai vécu mille vies. Je connais l’enfer dans ses moindres recoins. Je pourrais le dessiner les yeux fermés. Je pourrais en parler pendant des heures. Si seulement j’avais quelqu’un à qui parler ».

 

 

 

Note de l’auteur à la fin du roman…

 

« Il a fallu attendre la loi du 5 août 2013 pour que la réduction en esclavage, la servitude et le travail forcé fassent leur entrée dans notre code pénal.

Aujourd’hui, la servitude domestique existe en France.

C’est malheureusement une réalité.

Cette forme d’esclavage moderne touche des enfants, des jeunes filles et des femmes, plus rarement des garçons ou des hommes.

Les victimes sont principalement originaires d’Afrique ou d’Asie. Leur asservissement dure parfois de nombreuses années.

Il est difficile d’estimer le nombre de personnes victimes de ces pratiques dans notre pays, étant donné que les faits se déroulent à huis clos, à l’abris des regards.

Ces drames humains n’existent pas seulement dans le monde diplomatique ou les beaux quartiers. Mais aussi dans les pavillons de banlieue et les cités défavorisées ».

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