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Une minute quarante-neuf secondes de Riss

 

 

« Il est impossible d’écrire quoi que ce soit. On pourra photographier, interviewer, filmer ou dessiner. Mais enfiler des mots les uns après les autres comme des perles sur un fil, en s’imaginant qu’on obtiendra un ravissant bijou, est vain. Se croire capable de partager cette expérience avec les autres est une entreprise perdue d’avance. On ne transmet pas une désagrégation. On ne raconte pas un délitement. Il faudrait fabriquer des mots nouveaux pour écrire la biographie de chaque parcelle de chair qui fut retirée de nos corps ».

 

 

Résumé éditeur :

Une minute quarante-neuf secondes raconte une histoire collective et son atomisation instantanée ultraviolente. C’est le récit intime et raisonné d’un événement tombé dans le domaine public : l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015.

À travers le solitaire trajet de l’impossible retour à l’impossible normale, Riss tente de se réapproprier son propre destin, de réhabiter une vie brutalement dépeuplée, et apprivoise l’inconfortable légitimité du rescapé qui se soustrait à sa stricte condition de victime, le choc impensable du massacre idéologique, le scandale d’une rééducation qui mêle douleur, perte, deuil, révolte et rage.

« Il est impossible d’écrire quoi que ce soit » : ce sont les premiers mots de ce livre, magistralement démentis, avec une probité et un courage intellectuel rares. « Comment être à la hauteur de ce qui nous est arrivé ? » : c’est l’insoluble obsession qui accompagne jour après jour son auteur. Question qui nous engage, nous autres lecteurs à qui, aussi, en un sens, Charlie Hebdo est arrivé.

 

320 pages

 

 

 

« La violence. Elle n’a pas disparu. On l’a supportée. On l’a encaissée. On l’a absorbée. Tapie dans nos entrailles, elle attend le moment d’en sortir. Comme un volcan endormi pendant des millénaires, un jour elle explosera de nouveau à la face du monde. Ou peut-être jamais. Ceux qui croient qu’elle est derrière nous n’ont pas compris qu’elle est maintenant à l’intérieur de nous. Il n’y aura pas de reconstruction. Ce qui n’existe plus ne reviendra jamais ».

 

 

Le 7 janvier 2015, quand j’ai entendu la nouvelle que la rédaction de Charlie Hebdo avait été décimée par des terroristes, simplement parce qu’ils publiaient leurs idées, via des articles mais surtout des dessins…. Mon cerveau a beugué. Littéralement ! Je n’arrivais pas à comprendre que des dessinateurs puissent être assassinés pour leurs dessins, leurs caricatures. Des années plus tard, je n’arrive toujours pas à comprendre, et je ne le veux pas ! C’est juste inadmissible, incompréhensible, horrible… Cela m’a touché d’autant plus que Cabu est né à Châlons-sur-Marne, ma ville natale… Grande tristesse.

Dès que j’ai su que Riss avait écrit un livre, j’ai eu envie de le lire, essentiellement pour exprimer mon soutien et lui rendre hommage ainsi qu’à ses compagnons d’infortune.

Une minute quarante-neuf secondes, c’est le temps qu’a duré l’incursion des deux terroristes dans la salle de rédaction de Charlie Hebdo et qui a suffi pour semer la terreur et la mort. Riss nous offre un récit poignant, sincère et émouvant mais sans aucun pathos. Il ne parle pas seulement de l’attentat en lui-même, mais il nous livre aussi des souvenirs personnels de sa vie, sa découverte de la mort, des récits de reportages qu’il a effectués plus jeune, sa rencontre avec un survivant… ce qu’il deviendra lui-même malheureusement quelques années plus tard. Cette difficulté justement d’être un survivant…. Pas mort, plus vraiment vivant, en tout cas comme avant le drame. Il nous parle aussi de ses difficultés à revenir au sein de Charlie Hebdo, après…. La mesquinerie, la lâcheté et la méchanceté humaine… Riss consacre également un chapitre pour chaque ami de Charlie Hebdo décédé, comment il les a connus, leurs vies, leurs dessins pour les dessinateurs, leurs combats… Un très bel hommage plein de sensibilité et de sincérité.

Ce livre m’a ouvert les yeux sur certains aspects de cette triste affaire que je ne connaissais pas ou ne soupçonnais pas, et c’est très bien. J’ai été touchée par le témoignage de Riss. Et j’ai toujours le cœur serré en pensant à ces évènements si déplorables et à toutes ces personnes qui ont perdu leur vie au nom de leur liberté d’expression. Je pense sincèrement que c’est un livre qu’il faut lire.

 

 

 

« C’est seulement trois ans après l’attentat que je pris le temps de parcourir, archivées pour l’éternité dans les intestins d’internet, les actualités du 7 janvier que j’avais refusé de regarder en direct. Avec trente-six mois de retard, je découvrais les images filmées de deux silhouettes noires devant un immeuble qui fut notre terrier et d’où nous fûmes chassés après avoir été débusqués et déchiquetés comme des proies sous les crocs de leurs prédateurs ».

 

 

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Riss-Une-minute-quarante-neuf-secondes/1169434

 

 

 

« Nous étions sur cette terre depuis seulement huit ou neuf ans, et déjà on nous obligeait à songer à notre propre perte. Progressivement, inexorablement, s’installait dans nos têtes cette idée inconcevable. Un jour il y aurait la guerre.

Je prenais conscience qu’autour de moi, tous les adultes avaient connu ou participé à une guerre ».

 

 

 

« L’humour ne fuit pas la tragédie de la vie mais, au contraire, se l’approprie pour la rendre supportable. L’humour est parfois la seule issue pour espérer échapper à la folie. L’humour flottait devant moi comme une bouée de sauvetage providentielle.

Car durant cette période où tout semblait se dérober sous mes pieds, une autre question me rongeait la cervelle, en plus de toutes les autres qu’on nous jetait à la figure : n’allais-je pas, peu à peu, inexorablement et subrepticement, perdre la raison ? La confusion de l’existence, son désordre permanent, a le pouvoir de faire défaillir les esprits les plus solides ».

 

 

 

« Revenir sur place avait aussi un autre but. Me réapproprier les lieux où nous avions fait notre journal. Ici, nous étions chez nous. On nous en avait délogés par les armes et nous avions dû nous enfuir, dans l’horreur et la peur. Il fallait que je revienne aussi pour cette raison. Je ne partirais pas d’ici sous la contrainte mais seulement après l’avoir décidé moi-même. Il était hors de question que notre destin et celui de notre journal soient dictés par deux terroristes. Passé la tristesse, l’épuisement et l’abattement, il fallait se relever et reprendre le combat ».

 

 

 

« Un homme habillé de noir, équipé d’une arme de guerre, était désormais devant moi. Jusqu’à présent, c’était seulement à la télévision ou au cinéma que j’en avais aperçu, dans des fictions où les héros étaient des braqueurs de banques ou des policiers surarmés. Protégés par le filtre de l’imaginaire, on pouvait ingurgiter impunément toutes les horreurs proposées par le septième art. Il n’y avait rien à craindre de ses marionnettes qui s’agitaient pour nous distraire.

La porte ouverte, l’écran de la fiction s’est déchiré. À peine trois mètres me séparaient maintenant de cette créature infernale imaginée par un scénariste de série B. Après avoir pénétré par effraction dans nos vies, elle faisait maintenant partie de nous. Plus rien ne pouvait nous en protéger. Elle allait s’introduire à l’intérieur de chacun d’entre nous et nous tuer les uns après les autres ».

 

 

 

« Mais sur le sol de cette pièce où gisait mon corps, encerclé par le silence de ceux que les tueurs avaient fait taire, il n’y avait rien à regarder pour alléger la pesanteur de cette attente insupportable ».

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