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Le sang de nos ennemis de Gérard Lecas

« En janvier 61, des inconditionnels de l’Algérie française, civils et militaires, vont fonder l’Organisation de l’Armée Secrète, dirigée par Jean-Jacques Susini. Durant dix-huit mois, l’OAS va commettre attentat sur attentat, visant aussi bien les populations musulmanes que les Français supposés favorables à l’indépendance, finissant par massacrer aveuglément leurs victimes, entravant ainsi le projet des gaullistes de se débarrasser de l’Algérie. Mais rien n’y fera, à partir d’avril 62 débutera l’exode de ceux qu’on appelle les pieds noirs, deux millions de personnes fuyant l’Algérie pour retrouver la France qui vient de les rejeter.

Marseille. C’est là que débarquent des centaines de milliers de réfugiés. L’accueil de la ville, d’abord compatissant, tourne vite à l’hostilité. La mairie est tenue par Gaston Defferre, auréolé de sa gloire de résistant. Dans la Résistance se sont côtoyés des gens aux origines diverses, un certain nombre de militants, de l’extrême gauche à l’extrême droite, qui connaîtront parfois des destins contraires après la guerre, certains policiers, d’autres truands, d’autres encore hommes politiques. Beaucoup retournant prestement leur veste au gré des opportunités. »

Résumé éditeur :

Marseille, 1962. Deux flics de « L’Evêché », comme on surnomme l’hôtel de police, sont appelés sur une scène de crime étrange en Camargue : un homme de type arabe est retrouvé vidé de son sang. A côté du cadavre, un jerrican rempli… de sang. Ce n’est que le début d’une série de meurtres qui va conduire ces deux enquêteurs que tout semble opposer sur les chemins d’un passé lourdement chargé. De la Résistance à la guerre d’Algérie, la ville de Marseille renferme bien des secrets.

300 pages – 8/2/2023

« « On a écrasé des cigarettes sur lui.

« Exact, confirma Molinari sans émotion apparente. On dirait qu’il a passé un mauvais quart d’heure, notre copain… »

Malgré la canicule, Louis Anthureau sentit un frisson lui secouer l’échine, accompagné d’une pointe de nausée qu’il réprima en serrant les dents.

« C’est un Arabe, à première vue, dit le brigadier.

– Possible. Sa tête vous dit quelque chose ?

– Jamais vu, répondit l’autre avec un mouvement qui semblait juger la demande incongrue.

– Il a la peau claire pour un Arabe. » »

Mon avis

Un sacré roman que voilà qui flirte avec l’Histoire de France entre la Seconde Guerre mondiale et la guerre d’Algérie ! Je serais sans doute passée à côté (et ça aurait été vraiment dommage !) si je n’avais lu la chronique de Flore Delain sur son blog « En lisant, en écrivant » (merci à toi !). L’intrigue principale se déroule en 1962 à Marseille. Dans le contexte de la fin de la guerre d’Algérie et des Pieds noirs qui arrivent en nombre en France, à Marseille essentiellement, deux flics viennent d’intégrer « L’Evêché » comme on appelle alors l’Hôtel de police. Ils doivent travailler en binôme alors que tout les oppose. En effet, Louis Anthureau est un jeune flic sortant de l’école, intègre, communiste presque par tradition familiale, ses deux parents, Alexandre et Jeanne, étant des légendes de la résistance et du parti communiste. A l’opposé, Jacques Molinari, la petite quarantaine au passé plus trouble, ancien résistant, barbouze à ses heures et travaillant pour le Service d’Action Civique, le fameux SAC au service du Général de Gaulle. Le SAC est issu du service d’ordre du Rassemblement du peuple français (RPF), qui s’était régulièrement opposé au service d’ordre et aux militants communistes dans des affrontements violents, de 1947 à 1955. Fondé pendant la guerre d’Algérie et les troubles qui l’accompagnent en métropole (attentats du FLN puis de l’OAS), le SAC est marqué par cette ambiance originelle de violences *. Avec des passés si contraires, la collaboration entre les deux hommes ne pouvait être qu’explosive. De plus, chacun porte en lui des blessures qui les fragilisent et les rendent susceptibles surtout le jeune Louis Anthureau. Au début du roman, ils sont amenés à enquêter sur l’assassinat d’un homme retrouvé complètement exsangue. Son sang se trouve à côté de lui dans un jerricane. Scène macabre pour le moins. La victime est un Arabe. Ce crime est-il en lien avec la guerre d’Algérie et les atrocités commises par l’OAS (Organisation Armée Secrète, organisation terroriste clandestine française proche de l’extrême droite créée le 11 février 1961 pour la défense de la présence française en Algérie par tous les moyens, y compris le terrorisme à grande échelle *). Ce premier crime n’est que le début d’une enquête qui va s’avérer longue et compliquée car non seulement elle a des racines dans le conflit algérien avec toute la violence qui s’y rattache, mais aussi avec le milieu marseillais composé de voyous qui s’acoquinent parfois (souvent ?) avec des politiciens véreux. Et pour brouiller encore un peu plus les choses, l’enquête touche aussi aux passés personnels des deux flics… Avec « Le sang de nos ennemis » c’est comme avec le double effet Kiss Cool. Non seulement vous lisez un roman policier très efficace à l’intrigue haletante, aux personnages complexes et néanmoins attachants, mais en même temps, vous êtes immergés dans l’Histoire de France et franchement pas dans sa plus glorieuse période. Loin s’en faut. Personnellement je pense que la peur n’évite jamais le danger et jouer à l’autruche ne mène à rien. Je préfère toujours connaître, comprendre et appréhender les faits plutôt que de fermer les yeux ou détourner le regard. Et ce livre remplit à merveille cette tâche tout en divertissant via un excellent polar. J’ai beaucoup aimé et je vous le conseille vivement si vous êtes curieux de notre passé historique quel qu’il soit.

* Informations de Wikipédia

« Marcel Azzara. Son regard balaya lentement le port à travers la fenêtre ouverte de son bureau. De l’autre côté, sur le quai de Rive-Neuve, un chalutier quittait paisiblement son ancrage en laissant une traînée à peine visible dans son sillage. Il aimait ce genre de spectacle. Il tira sur son cigare et souffla lentement un interminable panache bleuté. Il aimait les cigares. Tout au fond, devant le quai des Belges, plusieurs bateaux étaient alignés. Dont le sien. Son yacht, le Nautile bleu. À vrai dire, Azzara sortait assez peu en mer. Il n’appréciait pas vraiment la navigation. Trop long, il s’emmerdait, envie de dégueuler dès que ça bougeait. Ce qu’il voulait, c’était que son navire soit amarré là, bien en vue, sous les yeux de la population. C’était cela qu’il désirait.

Tous ceux qui comptaient dans la ville avaient grimpé sur son yacht. Il organisait des réceptions à bord, sans s’éloigner du quai. »

Lien vers la fiche du livre sur Babélio

https://www.babelio.com/livres/Lecas-Le-Sang-de-nos-ennemis/1449382

Note sur Babélio : 3,88/5 (26 notes) – Ma note : 5/5

« Limongi reconnut la silhouette corpulente d’Edmond Pisanu qui pilotait l’engin, debout à l’arrière. Là encore, ils ne perdirent pas un instant en palabres ; Limongi, d’un signe, signifia que tout se déroulait comme prévu. Ils transbordèrent vingt colis, la capacité maxi du hors-bord, qui pointa aussitôt vers la plage. Là-bas, la marchandise serait débarquée, puis le hors-bord reviendrait trois fois pour se livrer à la même opération. Et c’est ainsi que les choses se passèrent, sous le regard attentif de Limongi. Il embarqua au dernier voyage après avoir glissé au capitaine une enveloppe en kraft qu’il avait conservée sous sa chemise, serrée dans sa ceinture. Le chalutier repartit aussitôt. Limongi songea qu’à l’avenir, si des opérations similaires devaient se répéter, il serait peut-être plus prudent d’investir dans leur propre moyen de transport. Il allait soumettre l’idée à monsieur Marcel… »

L’auteur : Gérard Lecas

Gérard Lecas, né le 12 janvier 1951 à Paris d’un père résistant, est un écrivain de roman policier, un traducteur et un scénariste français.

Études scientifiques et mathématiques supérieures à Saint-Nazaire et Nantes. Il se réoriente pour travailler dans le milieu de sa passion et reprend ses études à l’école Nationale de Cinéma Louis Lumière dont il sort diplômé. Il devient ingénieur du son et travaille pour le cinéma, la musique et la télévision.

Il écrit son premier roman en 1981 qui est publié à la Série noire en 1982.

Il entame un autre pan de sa carrière en travaillant en tant que scénariste pour plusieurs séries françaises (La Crim’, Commissaire Cordier ou Central Nuit). Après treize années d’interruption, il revient en 2012 à l’écriture romanesque avec « Le Corps de la ville endormie », publié dans la collection Rivages/Noir.

Son roman « L’Ennemi public n°2 » est adapté à la télévision pour la série télévisée Série noire dont il constituera le premier volet. Le film est réalisé par Edouard Niermans, le scénario écrit par Jacques Audiard.

En marge de l’écriture, Gérard Lecas a traduit plusieurs romans de l’italien au français pour les éditions Gallimard, Le Masque et Rivages. Il a ainsi traduit tout ou partie des œuvres des écrivains Cesare Battisti, Andrea G. Pinketts, Giorgio Scerbanenco, Piero Colaprico, Pino Cacucci ou encore Oscar Caplan.

« « Ton père n’est pas mort comme tu le croyais, Louis. »

Les mots se bousculaient dans sa tête. Depuis que Kahina Lamouchi les lui avait balancés à la figure, ils ne le quittaient plus, rebondissant contre les parois de son esprit. Il avait connu un long moment de stupeur, les yeux rivés à ceux de la fille, avec une telle intensité qu’il s’était presque noyé dans ce regard, une proximité de l’ordre de l’intime peut-être en rapport avec le contenu familial du propos. Il était ainsi resté muet, paralysé, tentant sans succès d’établir un lien entre la mort de son père et une Algérienne de vingt-trois ans, puis il avait décidé de refuser de sortir de son sujet. Il devait interroger un témoin, une suspecte, dans une affaire criminelle, rien de personnel.

Kahina ne lui apprit rien de plus concernant le meurtre des deux Algériens. Louis la questionna machinalement, sans conviction, la bouche prête à lâcher d’autres paroles que celles qu’il prononçait et elle finit par se taire, comme si elle aussi attendait qu’il en vienne à l’essentiel. »

« « Raconte-moi tout…

– J’ai besoin de te faire confiance, Georges, tu comprends ce que je veux dire ? Je sais ce que tu es devenu, tu t’es mis avec Defferre, tu traites des affaires avec la ville. Je ne te juge pas, et je ne t’oblige pas à te compromettre pour moi… »

Il l’observa quelques instants, le visage fermé, et elle eut le sentiment qu’il réfléchissait intensément, puis un sourire se posa sur ses lèvres tandis qu’il tendait la main pour prendre la sienne.

« En souvenir du bon vieux temps… les meilleures années de ma vie. »

Et des souvenirs communs, ils en avaient, la Résistance, les FTP et après les FFI quand ils s’étaient tous réunis. Avec Alexandre et Jeanne, ça avait commencé en 41, pour organiser le transit de tous ceux qui devaient quitter la France, les aviateurs anglais, les Juifs, les opposants divers… Georges Valladon avait prêté son appartement pour héberger les clandestins… Après, en 42, ils s’étaient mis à distribuer France d’abord, le journal de Tillon. »

Pour info :

FTP : Les Francs-tireurs et partisans français (FTPF), également appelés Francs-tireurs et partisans (FTP), est le nom du mouvement de résistance intérieure française créé à la fin de 1941 et officiellement fondé en 1942 par la direction du Parti communiste français.

FFI : Forces françaises de l’intérieur (F.F.I.). Créées le 1er juin 1944, les F.F.I. rassemblent tous les groupes militaires combattants de la Résistance intérieure (dont les Francs-Tireurs et Partisans) sous la direction du général Koenig et participent à la libération de la France.

Charles Tillon, né le 3 juillet 1897 à Rennes et mort le 13 janvier 1993 à Marseille, est un homme politique français, député, ministre, membre du comité central et du bureau politique du Parti communiste français. Il prit part à la Résistance pendant la guerre, en tant que fondateur et commandant en chef des FTPF (Francs-tireurs et partisans français).

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Un commentaire sur “Le sang de nos ennemis de Gérard Lecas

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